La loi du 13 juillet 2006 portant Engagement National pour le Logement (ENL) et ses incidences sur le recouvrement des charges de copropriété

Recouvrement de charges de copropriété et la loi du 13 juillet 2006 portant Engagement National pour le Logement comprend un certain nombre de dispositions concernant le droit de la copropriété.

 

Il est rappelé que les dispositions de l'article 10 de la loi du 10 Juillet 1965 régissant le statut de la copropriété prévoient, afin de garantir le fonctionnement normal d'un syndicat de copropriétaire que « Les copropriétaires sont tenus de participer aux charges entraînées par les services collectifs et les éléments d'équipements communs en fonction de l'utilité que ces services et éléments présentent à l'égard de chaque lot. »

 

Aussi, « Ils sont tenus de participer aux charges relatives à la conservation, à l'entretien et à l'administration des parties communes, proportionnellement aux valeurs relatives des parties privatives comprises dans leurs lots... »

 

Dans ce cadre, les syndics de copropriété, qu'ils soient professionnels ou bénévoles, ont l'obligation en vertu de l'article 18 de cette loi, et pour les professionnels en vertu de leur contrat de syndic, de veiller à la conservation et à la garde de l'immeuble, en procédant, en particulier, au recouvrement des charges communes impayées par des copropriétaires négligents et parfois insolvables.

 

Le recouvrement des charges communes est ainsi un problème majeur pour la gestion et la pérennité de la copropriété ; le syndic se devant de mettre en œuvre un certain nombre de démarches tant amiables, pré-contentieuses, que judiciaires, afin d'obtenir le respect par le copropriétaire indélicat et récalcitrant, de ses engagements financiers.

 

Cependant, ces démarches ne sont pas gratuites, mais au contraire, engendrent d'importants coûts ; les syndics étant souvent contraints d'instituer en leur sein un service de recouvrement, dont le poids financier quant à son fonctionnement et sa gestion peut être très lourd.

 

La question s'est alors rapidement posée de savoir qui du copropriétaire débiteur récalcitrant ou de la copropriété, devait supporter ces frais de recouvrement des charges de copropriété.

 

La réponse à cette question résulte de trois étapes à la fois jurisprudentielles et législatives.

 

I- Première étape

Jusqu'à la loi du 13 Décembre 2000 relative à la Solidarité et au Renouvellement Urbain dite « SRU », la situation était la suivante :

 

En l'absence de dispositions particulières dans le statut de la copropriété, les frais de recouvrement des charges exposés par le syndicat ne pouvaient être récupérés sur le copropriétaire débiteur, qu'à l'issue d'une procédure le condamnant et mettant ces frais à sa charge, au titre des débours et indemnités prévus par le Nouveau Code de Procédure Civile (article 700 du NCPC : frais irrépétibles, soit les honoraires d'avocats - le coût d'assignation - de signification et d'exécution par voie d'huissier de la décision rendue).

 

Il résultait alors, des dispositions combinées de l'article 10 de la loi de 1965 précité et de l'article 32 de la loi du 9 septembre 1991 relative aux procédures civiles d'exécution que " les frais de recouvrement entrepris sans titre exécutoire, et qui constituent des charges communes, ne pouvaient être intégralement supportés par le copropriétaire défaillant, et devaient rester à la charge du syndicat.

 

Cependant, le syndicat poursuivant, jusqu'à l'issue de la procédure, devait supporter et avancer ces frais de recouvrement qui entraient dans les charges communes au sens des dispositions de l'article 10 alinéa 2 de la loi précitées à répartir entre chaque copropriétaire.

 

Afin d'atténuer ces inconvénients, les règlements de copropriété comportaient souvent une clause dite « d'aggravation des charges », aux termes de laquelle celui qui par sa seule carence provoquait un surcroît de dépenses pour la copropriété, devait le supporter.

 

Pour accepter de l'appliquer, les Tribunaux saisis étaient parfois très exigeants, la conditionnant à la preuve d'une faute qu'aurait commise le débiteur dans le non règlement de ses charges.

 

Depuis lors, le législateur a entendu faciliter le recouvrement des charges impayées en responsabilisant les débiteurs.

 

II- Deuxième étape :

Etait ainsi votée la loi n° 2000-1208 du 13 Décembre 2000 relative à la Solidarité et au Renouvellement Urbain dite « SRU » qui modifiait la loi du 10 Juillet 1965 en son article 10-1, permettant d'imputer au compte du seul copropriétaire débiteur les frais nécessaires exposés par le syndicat pour recouvrer ses créances de charges.

 

L'article 10-1 de la loi était alors ainsi libellé : « Par dérogation aux dispositions du 2ème alinéa de l'article 10, les frais nécessaires exposés par le syndicat, à compter de la mise en demeure, pour le recouvrement d'une créance justifiée à l'encontre d'un copropriétaire, sont imputables à ce seul copropriétaire... ».

 

En bref, pour que le copropriétaire soit redevable personnellement des frais de recouvrement, il fallait :

  • - que ces frais aient été exposés pour le recouvrement d'une créance justifiée du syndicat,
    - qu'ils s'agissent des frais nécessaires pour parvenir au paiement des charges en souffrance,
    - qu'ils aient été engagés, à partir de la mise en demeure notifiée au copropriétaire défaillant d'avoir à s'acquitter de sa dette.

La nouvelle loi n'avait cependant pas totalement réglé la difficulté, car restait posée la question de savoir ce qu'il fallait entendre par frais nécessaires exposés pour le recouvrement de la créance.

 

Un important contentieux est alors né, donnant ainsi lieu à une abondante jurisprudence, principalement de la Cour d'Appel de PARIS qui entendait faire une application très stricte de la nouvelle loi.

 

La Cour partait en effet du principe que « seules devaient être prises en compte les formalités obligées précédant une instance judiciaire potentielle, à l'exclusion des actes relevant certes de l'initiative du syndic, mais nullement imposés sur le plan juridique. » (CA PARIS 3.06.2004 : JURIS-DATA n° 2004-242569)

 

La Cour

  • - ne retenait que les frais nécessaires au regard de l'article 10-1 de la loi, soit ceux qui sont exposés pour l'avancement de la procédure,
    - ne retenait pas :

. Les multiples frais de relances
. Les mises en demeure
. Les frais de contentieux renouvelés à intervalles réguliers.

 

Aussi, la Cour ne prenait en compte que les frais nécessaires postérieurs à la mise en demeure, savoir :

 

  • - les frais entrant dans les dépens (frais d'assignation, de signification et d'exécution),
    - les frais d'avocat au titre de l'article 700 du NCPC,
    - le cas échéant, les dommages-intérêts,
    - et pouvait n'inclure que partiellement, les frais pré-contentieux effectués par le syndic.

Pour ce faire, même si le contrat de syndic prévoyait ces frais pré-contentieux (de relances, de remise du dossier à l'huissier, ou sa constitution pour l'avocat et les frais de suivi de recouvrement ou de procédure), la Cour d'Appel de PARIS estimait de manière constante que ces frais ne pouvaient pas être imputés au copropriétaire débiteur, dès lors qu'il n'était pas « procéduralement nécessaires » (CA PARIS 23ème Chambre B - 7.04.2005 : JURIS-DATA n° 2005-270657).

 

La Cour estimait que ces frais étaient des actes élémentaires d'administration de la copropriété (CA PARIS 23ème Chambre B - 23.02.2006 : JURIS-DATA n° 2006-294105), faisant partie des fonctions de base du syndic. (CA PARIS 23ème Chambre B - 6.03.2005 : JURIS-DATA n° 2005-267070).

 

Cette jurisprudence a cependant été condamnée par un arrêt de la Cour de Cassation du 1er Février 2005 (CASS. 3ème CIV. 1.02.2005 ADMINISTRER Mars 2006 page 46) qui énonce que « Les frais nécessaires exposés par le syndicat à compter de la mise en demeure (en l'espèce, les frais de relances facturés par le syndic) peuvent être imputés au copropriétaire défaillant. »

 

Cependant, la difficulté quant au poids des frais de recouvrement qui souvent restaient à la charge des copropriétés, en particulier, du chef des diligences en amont du syndic, restait posée et pesante.

 

Cette jurisprudence dans son ensemble constituait un encouragement aux mauvais payeurs, sachant que la grande partie des frais de recouvrement, en particulier, ceux effectués par le syndic, seraient supportés par les copropriétaires dans leur ensemble.

 

III- Troisième étape

Le législateur restait conscient de cette difficulté et des limites de la loi SRU, compte tenu de la jurisprudence appliquée, tout en étant soucieux de ne pas faire supporter au débiteur récalcitrant le coût d'actes inutiles pouvant faire augmenter sa dette plus que de raison.

 

Aussi, en votant la loi du 13 Juillet 2006, il conservait à l'esprit, l'idée déjà retenue par la loi SRU du 13 Décembre 2000 de ne mettre à la charge du débiteur que les seuls frais réellement nécessaires au recouvrement de la créance, en excluant toute facturation abusive.

 

Aussi, l'article 90 de la loi du 13 Juillet 2006 a modifié le précédent article 10-1 de la loi du 13 Décembre 2000 en ces termes : « Par dérogation aux dispositions du 2ème alinéa de l'article 10, sont imputables au seul copropriétaire concerné :

 

"Les frais nécessaires exposés par le syndicat, notamment les frais de mise en demeure, de relance et de prise d'hypothèque à compter de la mise en demeure, pour le recouvrement d'une créance justifiée à l'encontre d'un copropriétaire, ainsi que les droits et émoluments des actes des huissiers de justice et le droit de recouvrement ou d'encaissement à la charge du débiteur... »

Aussi, que faut-il dorénavant entendre par frais nécessaires ?

 

1°) La rémunération du syndic :

 

Dorénavant la loi fait sienne l'arrêt de la Cour de Cassation du 1er Février 2005 précité incluant les frais de relances dans les frais nécessaires à la seule charge du débiteur défaillant à compter de la mise en demeure.

 

Les autres frais prévus généralement par le contrat de syndic, tels que ceux : 

  • - de remise du dossier à l'huissier,
    - de constitution de celui-ci pour l'avocat,
    - du suivi de recouvrement ou de la procédure,
    - doivent également être pris en charge par le débiteur, s'ils sont postérieurs à la mise en demeure.
  •  

2°) La rémunération des intervenants extérieurs

 

Les frais réglés à la Conservation des Hypothèques

Les frais d'inscription d'hypothèque légale sont imputables au copropriétaire débiteur en vertu de l'article 10-1 nouveau.

 

Il semble en être de même des frais de délivrance de renseignements hypothécaires, car nécessaires au recouvrement de la créance.

 

Ils doivent être récupérables à ce titre sur le seul copropriétaire débiteur.

 

Les frais du procès

 

Pour la Cour de PARIS, les frais d'avocat ou d'avoué, exposés pour l'obtention d'une décision de justice n'étaient pas imputables au copropriétaire débiteur, car ils étaient, soit compris dans les dépens, soit compensés par l'indemnité allouée au titre de l'article 700 du NCPC.

 

Cependant, cette indemnité ne compensait que très partiellement les honoraires d'avocat et la procédure se traduisait le plus souvent pour le syndicat par une perte financière.

 

Selon la doctrine et, en particulier, les commentateurs de ce nouveau texte, celui-ci n'exclurait pas que le syndicat puisse imputer au copropriétaire le montant des frais et honoraires non compensés, en particulier, par l'article 700 du NCPC et les dépens.

 

En effet, l'énumération des frais nécessaires n'est pas limitative.

(voir article de Monsieur Jacques LAFOND : « loi du 13 Juillet 2006 et copropriété - SEMAINE JURIDIQUE - Edition Notariale et Immobilière n° 37 du 15.09.2006)

 

Sur les frais d'huissier

 

En dehors des frais d'huissier exposés dans le cadre du procès qui seront récupérés au titre des dépens, le syndicat peut avoir réglé à l'huissier des frais de mise en demeure dans le cadre d'une procédure pré-contentieuse, ou encore, lorsque le recouvrement s'est effectué sans titre exécutoire.

 

Or, il est rappelé que dans ce cadre, les honoraires de recouvrement de l'huissier restent à la charge du créancier, en application de l'article 10 du décret n° 96-1080 du 12 Décembre 1996 portant tarif des huissiers.

 

Aussi, la loi, en visant, outre « le droit de recouvrement ou d'encaissement à la charge du débiteur » et « les droits et émoluments des actes des huissiers de justice » paraît permettre le recouvrement à l'encontre du débiteur de l'émolument dû à l'huissier en pareil cas par le syndicat.

 

En conséquence, la rémunération de l'huissier sous forme de droit et émolument et le coût de ces actes devrait être à la seule charge du seul copropriétaire débiteur.

 

En conclusion

Ce nouveau texte devrait permettre de remédier aux inconvénients pour les syndicats créanciers de la jurisprudence restrictive, en particulier, de la Cour d'Appel de PARIS, mais également de la Cour de Cassation, quant à la prise en charge par le débiteur récalcitrant des frais de recouvrement.

 

Espérons que les plus mauvais payeurs seront découragés de se soustraire à leurs obligations, sachant qu'ils pourront dorénavant moins facilement s'exonérer de la charge des frais de recouvrement amiables et contentieux générés par leur seule carence.