BAILLEURS ET ADMINISTRATEURS DE BIENS

Les baux de sortie de la loi du 1er Septembre 1948

Encore à l'heure actuelle, mais de moins en moins, certains bailleurs sont tenus par les dispositions de la loi du 1er Septembre 1948, auxquels leurs baux sont soumis et ainsi reçoivent le règlement de loyers extrêmement modiques, ne correspondant nullement à l'actuel marché locatif et aux prix pratiqués dans le voisinage.

 

Si la loi du 1er Septembre 1948 se voulait, après la guerre, protectrice des locataires qui avaient les plus grandes difficultés à trouver un logement, les raisons de cette loi ne nous semblent plus d'actualité, la poursuite de son application pouvant générer une disparité au détriment du bailleur devant supporter d'importantes charges liées à la conservation de son patrimoine, alors que de l'autre côté, le locataire lui assurait le règlement d'un loyer d'un montant extrêmement modique, ne lui permettant nullement de gérer normalement son patrimoine, loyer auquel s'ajoute un incontestable droit au maintien dans les lieux.

 

Une telle situation de déséquilibre ne pouvait perdurer.

 

Aussi, la loi du 23 Décembre 1986 a instauré un régime spécifique de sortie de certains locaux de cette loi du 1er Septembre 1948, et ce, sous certaines conditions bien précises.

 

Plus précisément, l'article 28 de la loi de 1986 permet aux bailleurs d'imposer aux locataires la sortie forcée de la loi du 1er Septembre 1948 pour les logements de catégorie II B et II C.


1°) Quelles sont les conditions d'application de l'article 28 de la loi du 23 Décembre 1986 ?

- Conditions tenant à la qualité du local :

 

Le local doit être soumis aux dispositions de la loi n° 48-1360 du 1er Septembre 1948 et classé en catégorie II B ou II C.

 

La sortie de la loi du 1er Septembre 1948 n'est pas subordonnée à une mise en conformité du local, et le preneur ne peut demander le retour à la loi du 1er Septembre 1948 si ledit local n'était pas conforme aux normes en vigueur.

 

Cependant, rien n'interdit au locataire de demander à son bailleur la mise en conformité du logement avec les normes minimales de conformité et d'habitabilité visées au décret n° 87-149 du 6 Mars 1987.

 

- Sur les conditions quant à la qualité du locataire :

 

Les locataires aux ressources modestes resteront protégés par la loi du 1er Septembre 1948 et un bail de sortie ne pourra leur être proposé.

 

L'article 29 de la loi du 23 Décembre 1986 dispose en effet que « Les dispositions de l'article 28 (précité) ne sont pas opposables aux locataires ou occupants de bonne foi, âgés de plus de 65 ans ou handicapés, visés au 2ème de l'article 27 de la loi du 1er Septembre 1948, dès lors que ses ressources sont inférieures à un seuil fixé par décret (décret du 12 Juin 1987) ».

 

Il s'agit de revenu net imposable de l'année civile de référence.


Les seuils de ressources perçus en 2010 applicables pour les baux de sorties proposés en 2011 :

 

Composition des ménages Ile de France Hors Ile de France

 

 

Personne seule                                             37.436,52 €                              28.077,12 €
2 personnes                                                   45.684,73 €                              34.263,28 €
3 personnes                                                   53.932,97 €                              40.450,54 €
4 personnes                                                   62.182,29 €                              46.636,72 €
Par personne supplémentaire                    + 8.248,84 €                              + 6.186,15 €

 

2°) Quelle est la procédure selon l'article 28 de la loi du 23 Décembre 1986 ?

Le bailleur doit adresser au locataire une proposition de bail.


2.1 - L'objet de la proposition :

 

L'objet de la proposition du bailleur doit porter sur un contrat de bail dont le régime juridique est différent selon la destination du local.

 

- Lorsque le local est loué à usage d'habitation ou mixte

 

La proposition portera sur un contrat régi par les dispositions des articles 30 à 33 de la loi du 23 Décembre 1986 et des chapitres I à III, à l'exception des articles 10 et 11 de la loi du 6 Juillet 1989.

 

- Lorsque le local est loué exclusivement à usage professionnel

 

La proposition du bailleur portera sur un contrat régi par les dispositions du Code Civil et des articles 30 à 33 et 57 A de la loi du 23 Décembre 1986.

 

Le contrat sera obligatoirement écrit et sa durée au moins égale à six années.


2.2 - Sur le formalisme de la proposition :

 

La proposition du bailleur doit contenir, à peine de nullité :

 

Le contrat de location en projet qui doit reproduire les dispositions des articles 25 et 28 à 33 de la loi du 23 Décembre 1986.

A défaut, la proposition serait irrégulière en la forme et la nullité pourra être constatée sans avoir à prouver le grief causé par l'omission. (CA NIMES 2ème Chambre Section A, 29.06.2004 - loyers et copropriété 2004 n° 183).

 

La liste des références ayant servi à déterminer le prix proposé (article 31 alinéa 2 de la loi du 23 Décembre 1986).

 

La notification doit être faite par lettre recommandée AR, ou signifiée par acte d'Huissier (article 31 alinéa 5 de la loi de 1986).

 

Nous ne saurions trop recommander une notification par voie d'Huissier qui certifiera l'effectivité de cette notification.

 

Précision : la notification du bail de l'article 28 de la loi de 1986 peut être faite à tout moment par le bailleur, aussi bien au cours du bail, qu'à son expiration ou au cours du droit au maintien dans les lieux.


2.3 - Sur les caractéristiques du bail proposé :

 

- Durée : le bail doit être d'une durée de huit ans, au minimum.

 

- Loyer : il est fixé par référence aux loyers non soumis à la loi du 1er Septembre 1948 et habituellement constatés dans le voisinage au cours des trois dernières années pour des logements comparables.

 

Le loyer ainsi déterminé ne s'appliquera pas immédiatement, mais fera l'objet d'une augmentation étalée sur les huit années du bail.


Cela résulte des dispositions de l'alinéa 2 de l'article 30 de la loi de 1986 selon lequel : « La différence entre le loyer du contrat de location établi en application de l'article 28, et l'indemnité d'occupation s'appliquent au cours des huit années de ce contrat. La révision éventuelle résultant de l'article 15 s'applique à chaque valeur ainsi définie. »

 

Autrement dit, la différence entre le loyer initial et le loyer proposé dans le nouveau bail de sortie sera répartie par huitième chaque année du bail de huit ans.

 

- Date d'effet du bail : le bail prendra effet à l'expiration de six mois à compter de la date de la proposition du contrat faite par le bailleur, les parties pouvant amiablement déroger à cette règle.

 

L'attitude du locataire à la suite de la proposition du nouveau bail :

 

A compter de la réception de la proposition du nouveau bail par le locataire, celui-ci a un délai de deux mois pour faire connaître sa réponse au bailleur.

 

Le silence du locataire est assimilé à un refus (article 31 alinéa 6 de la loi de 1986).

 

La réponse du locataire doit être effectuée par lettre recommandée AR ou signifiée par voie d'Huissier.

 

Le locataire peut invoquer, au soutien de son refus, une inopposabilité du bail de renouvellement tenant :

 

- À ses faibles ressources, à condition qu'il en justifie,
- Aux travaux qu'il a réalisés dans l'appartement et dont il pourra demander le remboursement,
- A l'absence de représentativité des références comparatives fournies par le bailleur.

 

En cas de désaccord : La procédure

Le bailleur ou le locataire peut saisir la Commission Départementale de Conciliation dans les conditions de l'article 31 alinéa 6 et suivants de la loi du 23 Décembre 1986 dans les trois mois qui suivent la réception du nouveau bail.

La saisine de cette Commission est une simple faculté offerte aux parties.

 

Les parties peuvent surtout saisir le Juge du Tribunal d'Instance du lieu de situation du local loué pour faire trancher de leurs différends, et ce, sans préalablement saisir la Commission Départementale de Conciliation.

La saisine du Juge doit être effective dans les six mois de la proposition du contrat faite par le bailleur au locataire.

 

A défaut, le local sera soumis à la loi du 1er Septembre 1948.


Le rôle du Tribunal :

 

Le Juge fixera le montant du loyer et statuera sur les demandes des parties.

 

La décision sera exécutoire, même dans le cas où une voie de recours serait exercée.


Sur les conséquences des baux de l'article 28 de la loi de 1986 :

 

1°) La prise d'effet du bail :

 

Le bail sera conclu et prendra effet six mois après la notification de la proposition de contrat faite par le bailleur, sauf autres conventions entre les parties.

 

Aussi, à compter de la prise d'effet du bail, celui-ci ne sera plus soumis aux dispositions de la loi du 1er Septembre 1948, mais :

 

Pour les locaux d'habitations ou mixtes, aux dispositions des chapitres I, II et III et aux articles 30 à 33 de la loi du 23 Décembre 1986, et aux clauses du contrat.

Le locataire aura alors la possibilité de demander la fixation du local aux normes de confort et d'habitabilité prévues par l'article 25 de la loi du 23 Décembre 1986 et le décret du 30 Janvier 2002.


Précision : La réparation des locaux n'est pas une des conditions préalables obligatoires pour que le bailleur puisse proposer un bail de sortie de la loi de 1948.

 

Pour les locaux exclusivement professionnels, aux dispositions du Code Civil et de l'article 57 A de la loi du 23 Décembre 1986.

 

Le sort juridique du bail à l'issue de ses huit années initiales :

 

A l'expiration des huit années ou plus de location, les locaux d'habitation ou mixtes (à usage professionnel et d'habitation) deviennent soumis à la loi du 6 Juillet 1989.

 

Les locaux à usage exclusivement professionnel, seront soumis au Code Civil et à l'article 57 A de la loi du 23 Décembre 1986.


EN CONCLUSION :

 

Les baux de sortie de la loi du 1er Septembre 1948, tels que régis et organisés par l'article 28 de la loi de 1986 nous semblent permettre de trouver un équilibre entre le droit au maintien dans les lieux offert aux locataires par la loi de 1948, et la possibilité pour les bailleurs de percevoir enfin un loyer représentant la valeur locative du bien loué.