"Le criminel ne tient plus le civil en l'état" depuis la Loi N°2007-291 du 5 mars 2007
La procédure pénale pouvait, jusqu'à la loi du 5 Mars 2007, avoir des incidences sur le déroulement du procès civil en application de l'adage selon lequel « le criminel tient le civil en l'état ».

Cette règle, jusqu'alors codifiée à l'article 4 du Code de Procédure Pénale, imposait au Juge Civil de surseoir à statuer jusqu'à ce que le Juge Pénal ait lui-même statué sur l'action publique lorsque le résultat de l'action pénale était susceptible d'influer sur l'action civile.

L'article 4 du Code de Procédure Pénale était ainsi libellé : « L'action civile peut être aussi exercée séparément de l'action publique.

« Toutefois, il est sursis au jugement de cette action exercée devant la juridiction civile tant qu'il n'a pas été prononcé définitivement sur l'action publique lorsque celle-ci a été mise en mouvement. »

Ce principe tenait son origine dans la nécessité de prévenir toute contrariété entre ce qui est jugé au civil et ce qui est jugé au pénal.

Il semblait ainsi illogique de prendre le risque de condamner à une indemnisation au civil une personne qui pouvait être relaxée au pénal.

Le législateur, lors de la rédaction de cet article, avait alors voulu assumer une certaine prééminence de l'action publique considérée comme la conséquence primordiale de l'infraction, si bien que la punition du coupable passait d'une certaine façon avant la réparation du préjudice subi par la victime.

En pratique, les Tribunaux civils et commerciaux tentant d'éviter toute manœuvre dilatoire du défendeur, ne prononçaient le sursis à statuer de l'instance civile ou commerciale, qu'à la condition que ce dernier justifie d'avoir mis en mouvement l'action publique par :

le dépôt d'une plainte avec constitution de partie civile entre les mains du Doyen des Juges d'Instruction près le Tribunal de Grande Instance compétent,
la consignation de la somme mise à la charge avancée de la partie civile entre les mains du Régisseur d'Avances et de Recettes près le Tribunal concerné.
Sous ces conditions formelles et sous réserve que les faits, objet du procès civil, aient une réelle connexité avec ceux objet de la plainte pénale, la juridiction civile rendait alors une décision de sursis à statuer.

Aussi, les plaideurs civils devaient attendre l'issue de la procédure pénale pouvant, à la suite de l'information judiciaire, déboucher soit sur :

une ordonance de non lieu,
une ordonnance de renvoi devant le Tribunal Correctionnel,
avant que d'espérer obtenir enfin une décision en matière civile.


--------------------------------------------------------------------------------

Le législateur, par l'article 20 de la loi n° 2007-291 du 5 Mars 2007 « tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale », publiée au JO n° 55 du 6 Mars 2007 page 4206, a entendu y mettre fin.

Cette loi par son article 20 a en effet modifié la rédaction de l'article 4 du Code de Procédure Pénale sous le chapitre V intitulé « dispositions tendant à assurer la célérité de la procédure pénale », en ces termes : « L'action en réparation du dommage causé par l'infraction prévue à l'article 2 peut être exercée devant une juridiction civile séparément de l'action publique.

« Toutefois, il est sursis au jugement de cette action tant qu'il n'a pas été prononcé définitivement sur l'action publique lorsque celle-ci a été mise en mouvement.

« La mise en mouvement de l'action publique n'impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu'elle soit, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d'exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès-civil. »

En conséquence, dorénavant la mise en mouvement de l'action publique n'interdit plus au Juge civil de statuer.

Aussi, le fait d'avoir introduit une plainte avec constitution de partie civile et d'avoir régulièrement procédé à la consignation prévue par la loi, n'interdit plus au Juge Civil ou au Juge Commercial de statuer.

La réforme est d'application immédiate :

La nouvelle règle s'applique tant aux procédures nouvelles, qu'aux procédures en cours pour lesquelles un sursis à statuer n'a pas été définitivement ordonné.

En conclusion :
Gageons que cette réforme procédurale, telle que l'a souhaitée le législateur (voir la proposition de loi de Monsieur Jean-Luc WARSMANN - Député), permettra de mettre en échec les manœuvres dilatoires des défendeurs ayant pour seul objet d'altérer la célérité et la qualité de la justice.

Les praticiens ne peuvent que s'en réjouir !