La loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 a inséré un chapitre 1er bis au titre III du livre Ier de la troisième partie du Code de la santé publique intitulé « Etat d'urgence sanitaire ».
Ce chapitre 1er bis comprend notamment les articles L. 3131-12 et L. 3131-13 qui disposent :
L'article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 autorise le gouvernement à prendre par ordonnances, dans un délai de trois mois à compter de la publication de la présente loi, toute mesure, pouvant entrer en vigueur, si nécessaire, à compter du 12 mars 2020, relevant du domaine de la loi afin notamment :
C'est dans ces conditions qu'ont été adoptées le 25 mars 2020 en Conseil des ministres l'ordonnance n° 2020-304 « portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété » et l'ordonnance n° 2020-306 « relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période ».
Les développements qui suivent présentent les principales dispositions de ces deux ordonnances.
L'article 1er de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 précise que sont concernés les délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire déclaré.
Le projet du gouvernement prévoyait que cette période dérogatoire au droit commun débuterait le 14 mars 2020. Toutefois, au regard de l'ampleur des mesures destinées à juguler la crise sanitaire déjà entrées en vigueur le 12 mars, le Conseil d'Etat a proposé de retenir cette dernière date (cf. avis du Conseil d'Etat du 18 mars 2020).
A l'heure où sont écrites ces lignes, la loi du 23 mars 2020 précitée a déclaré l'état d'urgence sanitaire sur l'ensemble du territoire pour une durée de deux mois à compter de son entrée en vigueur, soit jusqu'au 24 mai 2020, puisque la loi a été publiée le 24 mars 2020 au Journal Officiel.
Les règles dérogatoires posées par l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 s'appliquent donc du 12 mars 2020 jusqu'au 24 juin 2020 (date de cessation de l'état d'urgence sanitaire + 1 mois).
Il ne s'agit ni d'une suspension, ni d'une interruption mais d'une prorogation comme d'ailleurs le précise l'intitulé même de l'ordonnance.
Sont toutefois exclus du champ d'application :
Ces dispositions s'appliquent donc à l'ensemble des matières non exclues, dont font partie notamment les délais prévus en matière commerciale, sauf lorsqu'ils font l'objet d'une adaptation par d'autres textes pris en application de la loi du 23 mars 2020.
Cas particuliers :
Pour les actes, actions en justice, recours, formalités, inscriptions, déclarations, notifications ou publications prescrits par la loi ou le règlement, et qui devaient être réalisés pendant la période juridiquement protégée définie à l'article 1er de la loi (période d'état d'urgence sanitaire + 1 mois), le délai légalement imparti pour agir court de nouveau à compter de la fin de cette période, dans la limite de deux mois. Il en est de même pour les paiements prescrits par la loi ou le règlement pour l'acquisition ou de la conservation d'un droit.
Ainsi, le délai légalement imparti pour agir courra de nouveau à compter du 24 juin 2020, mais dans la limite de deux mois.
L'acte devra donc être accompli au plus tard le 24 août 2020.
Rien n'interdit cependant d'accomplir l'acte exigé dans le délai légal initialement imparti.
Attention toutefois :
En outre :
Sont prorogées de plein droit jusqu'à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la fin de la période juridiquement protégée, les mesures administratives ou juridictionnelles suivantes et dont le terme vient à échéance au cours de cette période :
Par ailleurs, en application des articles 12 et 13 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 sont également prorogées :
a) Report du point de départ du délai
L'article 4 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 prévoit que les astreintes, les clauses pénales, les clauses résolutoires ainsi que les clauses prévoyant une déchéance, lorsqu'elles ont pour objet de sanctionner l'inexécution d'une obligation dans un délai déterminé, sont réputées n'avoir pas pris cours ou produit effet, si ce délai a pris fin pendant la période juridiquement protégée.
Elles ne prendront effet qu'à l'expiration de cette période.
b) Report des effets
Les astreintes et clauses pénales qui ont pris effet avant le 12 mars 2020 sont suspendues pendant la période juridiquement protégée.
Lorsqu'une convention ne peut être résiliée que durant une période déterminée ou qu'elle est renouvelée en l'absence de dénonciation dans un délai déterminé, cette période ou ce délai sont prolongés s'ils expirent durant la période juridiquement protégée, de deux mois après la fin de cette période.
L'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 adapte le fonctionnement des juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale pour tenir compte des impératifs de sécurité sanitaire liés à l'épidémie de covid-19.
Le Premier Président peut désigner par ordonnance une autre juridiction du ressort de même nature que la juridiction initialement saisie lorsque cette dernière est dans l'incapacité totale ou partielle de fonctionner.
Le greffe peut informer les parties d'un renvoi par tout moyen.
Lorsque l'audience de plaidoiries, la clôture de l'instruction ou la décision de statuer selon la procédure sans audience interviennent durant la période juridiquement protégée, le président de la juridiction peut décider que l'affaire sera jugée à juge unique.
Devant le Conseil de prud'hommes, la juridiction pourra statuer en formation restreinte composée d'un conseiller employeur et d'un conseiller salarié.
Enfin, devant le Tribunal de commerce, la possibilité d'attribuer l'affaire à un juge rapporteur est étendue à toutes les procédures, y compris collectives. Les parties ne peuvent s'y opposer mais la décision demeure collégiale.
Les parties peuvent échanger leurs écritures et pièces par tout moyen dès lors que le juge peut s'assurer du respect du contradictoire.
Attention toutefois : cette disposition ne déroge pas aux articles 850 et 930-1 du Code de procédure civile qui imposent de transmettre par voie électronique les actes de procédure au Tribunal judiciaire et à la Cour d'appel.
Les débats se déroulent en publicité restreinte, voir en chambre du conseil lorsqu'il n'est pas possible d'assurer la protection de la santé des personnes qui assisteront à l'audience.
Les audiences pourront se tenir lieu par visio-conférence ou, à défaut, par téléphone à condition de s'assurer de l'identité des parties et de garantir la qualité de la transmission et la confidentialité des échanges.
Le juge ou le président de la formation de jugement peut, dans les matières où la représentation par avocat est obligatoire ou dans les affaires dans lesquelles toutes les parties sont représentées ou assistées par un avocat, décider que la procédure se déroule sans audience.
Le juge des référés peut rejeter, avant l'audience, par une ordonnance non contradictoire, la demande si elle est irrecevable ou s'il juge qu'il n'y a pas lieu à référé.
L'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 retient une conception extensive de la notion d'autorité administrative.
Il s'agit des administrations de l'Etat, des collectivités territoriales, des établissements publics administratifs, des organismes et personnes de droit public et de droit privé chargés d'une mission de service public administratif, y compris les organismes de sécurité sociale.
Les délais de l'action administrative sont suspendus.
Les délais à l'issue desquels une décision, un accord ou un avis peut ou doit intervenir ou est acquis implicitement et qui n'ont pas expiré avant le 12 mars 2020 sont, à cette date, suspendus jusqu'à la fin de la période juridiquement protégée.
Le point de départ des délais de même nature qui auraient dû commencer à courir pendant la période juridiquement protégée interviendra à l'achèvement de celle-ci.
Les mêmes règles s'appliquent aux délais impartis aux organismes ou personnes publiques pour vérifier le caractère complet d'un dossier ou pour solliciter des pièces complémentaires dans le cadre de l'instruction d'une demande ainsi qu'aux délais prévus pour la consultation ou la participation du public.
Lorsqu'ils n'ont pas expiré avant le 12 mars 2020, les délais imposés par l'administration, conformément à la loi et au règlement, à toute personne pour réaliser des contrôles et des travaux ou pour se conformer à des prescriptions de toute nature sont suspendus, jusqu'à la fin du mois suivant la période d'état d'urgence sanitaire, sauf lorsqu'ils résultent d'une décision de justice.
Le point de départ des délais de même nature qui auraient dû commencer à courir pendant cette même période est reporté jusqu'à l'achèvement de celle-ci.
Un décret pourra fixer les catégories d'actes, de procédures et d'obligations pour lesquels, pour des motifs de protection des intérêts fondamentaux de la Nation, de sécurité, de protection de la santé, de la salubrité publique, de préservation de l'environnement et de protection de l'enfance et de la jeunesse, le cours des délais reprend.
Pour les mêmes motifs, un décret pourra, pour un acte, une procédure ou une obligation déterminés fixer une date de reprise des délais à condition d'en informer les personnes concernées.