Le décret n° 2009-1524 du 9 Décembre 2009 dit « décret MAGENDIE » entré en vigueur le 2 Janvier 2011 et le 1er Septembre suivant quant à ses dispositions relatives à la communication électronique, a singulièrement compliqué, voire rigidifié la procédure d'appel.
Parallèlement, la profession d'Avoué, spécialiste de la procédure d'appel et détenant le monopole de représentation devant les Cours d'Appel a été supprimée par le décret n° 2012-634 du 3 Mai 2012, relatif à la fusion des professions d'Avocats et d'Avoués, précédé par la loi du 25 Janvier 2011 portant réforme de la représentation devant les Cours d'Appel.
Cette suppression des Avoués est effective depuis le 1er Janvier 2012.
Depuis lors, un justiciable qui entend interjeter appel d'une décision de première instance doit avoir recours au ministère d'un Avocat ; celui-ci étant dorénavant habilité à « occuper » pour son client devant la Cour d'Appel de son ressort territorial et à effectuer tous les actes de procédure pour le compte de celui-ci.
Ses diligences doivent être effectuées en parfaite maîtrise des nouvelles règles du très strict et rigoureux Décret MAGENDIE, en application générale depuis le 1er Septembre 2011.
Aussi, les parties à une instance d'appel, ont dû « essuyer les plâtres » de cette nouvelle procédure qui peut s'avérer, même après plusieurs années de pratique, toujours très périlleuse.
Il est précisé que les nouvelles règles issues du Décret MAGENDIE du 9 Décembre 2009 sont applicables aux procédures d'appel mises en œuvre par une déclaration d'appel actée par le greffe, depuis le 1er Janvier 2011, et après le 1er Août 2016 également pour les procédures d'appel en matière prud'homale et en droit du travail.
Dès lors que la procédure d'appel s'est très notablement rigidifiée à la suite du Décret MAGENDIE, le non-respect de ses nouvelles dispositions peut ruiner l'appel interjeté, avec des conséquences irrémédiables pour le justiciable représenté, et à la clef un risque de responsabilité professionnelle pour l'avocat.
Le délai pour interjeter appel n'a quant à lui pas changé ! Selon l'article 538 du Code de Procédure Civile « Ce délai pour interjeter appel en matière contentieuse est d'un mois », à compter de la signification du jugement intervenu.
Tous les actes de procédure dont l'appel, doivent être effectués par voie électronique depuis le 1er Janvier 2013, soit par le truchement du Réseau Privé Virtuel des Avocats dit « R.P.V.A. ».
Il en est de même,
- De la constitution de l'intimé,
- De la régularisation des conclusions de l'appelant et de celles de l'intimé,
- De la justification de la communication des pièces par un bordereau, par chaque partie.
Pour mener à bien son procès l'Avocat de l'appelant doit respecter les règles fondamentales suivantes pour déclencher la procédure d'appel et le soutenir :
1°) L'avocat interjette appel de la décision contestée, directement par le R.P.V.A. en joignant une copie de celle-ci.
2°) En application de l'article 902 alinéa 1er du Code de Procédure Civile : « Le Greffier adresse aussitôt à chacun des intimés, par lettre simple, un exemplaire de la déclaration d'appel, avec indication de l'obligation de constituer Avocat ».
3°) Mais, selon l'article 902 in fine du même Code : « En cas de retour du Greffe de la lettre de notification ou lorsque l'intimé n'a pas constitué Avocat, dans un délai d'un mois à compter de la lettre de notification, le Greffier en avise l'Avocat de l'appelant, afin que celui-ci procède par voie de signification de la déclaration d'appel. »
Pratiquement, dès qu'il reçoit par la voie électronique, soit par le R.P.V.A., l'avis du Greffe, l'Avocat de l'appelant dispose d'un délai d'un mois, et pas un jour de plus, pour charger son Huissier de Justice instrumentaire de signifier la déclaration d'appel à la partie ou aux parties adverses qui ont la qualité d'intimées et n'ont pas constitué Avocat.
Faute de respecter ce premier délai très strict, la sanction est lourde et sévère pour la partie appelante qui verra dès lors sa déclaration d'appel anéantie.
L'article 902 du Code de Procédure Civile ci-dessus mentionné édicte en effet la sanction en ces termes : « A peine de caducité de la déclaration d'appel, la signification de la déclaration d'appel doit être effectuée dans le mois de l'avis adressé par le Greffe. »
4°) L'appelant doit conclure au soutien de son appel et communiquer ses pièces en respectant les règles procédurales à cette fin.
Sur le délai donné à l'appelant pour conclure au soutien de son appel :
L'article 908 du Code de Procédure Civile invite le conseil de l'appelant à la plus grande vigilance :
Il est en effet libellé en ces termes : « A peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dispose d'un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel pour conclure. »
Ce délai, très strict, n'est pas applicable aux termes de l'article 905 du Code de Procédure Civile, si le dossier a été fixé selon une procédure prioritaire.
Il s'agit pour l'essentiel des affaires qui présentent un caractère d'urgence ou en état d'être rapidement plaidées, ou celles relatives aux appels des ordonnances de référé.
Cette procédure, en pratique, moins stricte pour l'appelant, au visa de l'article 905 du Code de Procédure Civile, est citée ici pour
mémoire !
La sanction :
L'appelant doit donc impérativement, dans le cadre de la procédure ordinaire et habituelle devant la Cour, notifier par le R.P.V.A. ses conclusions d'appelant dans le délai de trois mois précité de la déclaration d'appel, et pas un jour de plus !
S'il ne le fait pas dans ce délai de trois mois, sa déclaration d'appel sera d'office déclarée caduque.
La solution de rattrapage dans le délai d'appel :
Le Code de Procédure Civile n'interdit pas à l'appelant qui a « loupé » un premier appel, (par exemple car il n'a pas conclu dans le délai de 3 mois de la déclaration d'appel de l'article 908 du CPC), de réitérer un second appel de la décision contestée.
Cependant, ce second appel ne sera recevable que si la décision attaquée n'a pas été signifiée ou si le second appel est effectué dans le délai d'un mois à compter de la signification.
Dans la négative, le second appel serait déclaré irrecevable et ne pourrait, comme le premier être poursuivi devant la Cour, conférant à la décision de première instance un caractère définitif.
Un arrêt récent de la 2ème Chambre civile de la Cour de Cassation du 7 avril 2016 ( n° 15-14.154) a confirmé la recevabilité d'un second appel en ces termes :
« Ayant constaté que le délai d'appel n'était pas expiré, la Cour d'Appel a, à bon droit, décidé que le deuxième appel formé par Monsieur X..., peu important qu'il ait été interjeté, alors que la caducité de la première déclaration d'appel n'avait pas été prononcée, était recevable ».
Cet arrêt met fin aux hésitations et interrogations qu'avaient pu susciter chez les praticiens, un précédent arrêt de la même Chambre du 21 janvier 2016 ( n°14-18.631) libellé en ces termes : « La Cour d'Appel ayant exactement retenu que la deuxième déclaration d'appel, identique à la première, comme ayant été formée à l'encontre du même jugement et désignant le même intimé, était privé d'effet, dès lors que la précédente était régulière et avait emporté inscription de l'affaire au rôle, l'appelant étant tenu de conclure dans le délai de trois mois à compter de celle-ci, sous peine de caducité de la déclaration d'appel, la Cour a par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision (...). »
Il était à craindre à la suite de cet arrêt, que désormais, un appel caduc ne pourrait plus être réitéré.
L'espèce était la suivante : Une partie avait interjeté appel de la même décision à deux reprises devant la Cour de Montpellier. Les deux instances d'appel avaient été jointes par la suite. Cependant cette jonction n'avait pas eu pour effet de créer une procédure unique. L'appelant ne concluait pas dans le délai de 3 mois du premier appel, mais postérieurement dans le délai de 3 mois du second appel.
La Cour d'Appel avait jugé que la caducité de la première déclaration d'appel, faute de conclusions dans le délai de 3 mois de celle-ci, au visa de l'article 908 du CPC, rendait nulle et de nul effet la seconde déclaration d'appel.
C'est ainsi que sur pourvoi formé contre l'arrêt de la Cour de Montpellier, la seconde Chambre Civile de la Cour de Cassation par son arrêt du 21 janvier 2016 rejetait le pourvoi et estimait que la Cour d'appel avait légalement justifié sa décision, en énonçant que la seconde déclaration d'appel identique à la première comme ayant été formée à l'encontre du même jugement et désignant le même intimée était privée d'effet tandis que la première déclaration d'appel était régulière, avait emporté inscription immédiate de l'affaire au rôle, et fait naître les obligations de l'article 908 du CPCIV.
Cette espèce particulière d'un premier appel régulier suivi d'un second appel régularisé ne peut s'appliquer aux cas généralement rencontrés d'une première déclaration d'appel caduque, suivie d'une seconde déclaration d'appel de secours.
L'arrêt de la même Chambre de La Cour de Cassation du 7 avril 2016 lève toute incertitude sur ce point, et rappelle qu'un second appel est recevable, peu important qu'il ait été interjeté même si la caducité de la première déclaration d'appel n'a pas encore été prononcée.
Il semble donc que cette règle doive trouver application de manière générale et que le plaideur continue de disposer, dans son arsenal procédural, d'une solution de rattrapage lorsqu'il a omis de respecter les nombreux délais de procédure du Décret Magendie, précités.
En conséquence, si l'appelant ne respectait pas cette véritable « cotte de maille » procédurale, l'intimé qui a intérêt à ne pas voir examiner par la Cour un jugement qui lui est favorable, devra faire montre de prudence s'il souhaite, par voie de conclusions d'incident, soulever la caducité de la déclaration du second appel et des conclusions de l'appelant.
La Cour d'Appel de Paris a eu récemment l'occasion de le rappeler à l'aune de cette récente jurisprudence de la 2ème Chambre civile de la Cour de Cassation du 7 avril 2016.
Dans cette espèce, l'appelant avait le 13 Novembre 2015 relevé appel d'un jugement du Tribunal de Commerce de Paris du 20 Octobre 2015.
Malheureusement, par omission matérielle, si le conseil de l'appelant avait notifié au Greffe de la Cour par le R.P.V.A. l'acte de signification par voie d'Huissier de sa déclaration d'appel et de ses conclusions, il avait omis d'adresser au greffe ses conclusions d'appel elles-mêmes, que ce dernier n'avait pas reçues.
En conséquence, le Conseiller en charge de la mise en état, par ordonnance du 10 Mars 2016, avait dit caduque la déclaration d'appel en constatant, au visa de l'article 908 du Code de Procédure Civile, que l'appelant n'avait pas conclu dans le délai de trois mois de la déclaration d'appel.
Espérant régulariser la situation, l'appelant formait alors un second appel, car il était dans les délais pour y procéder, le jugement attaqué n'ayant jamais été signifié.
Il y procédait le 23 Février 2016 et notifiait, cette fois le 12 Avril suivant, par le R.P.V.A. ses conclusions d'appel.
L'appelant et son conseil pensaient alors être « dans les clous » de la procédure d'appel et que l'affaire serait évoquée sans incident au fond devant la Cour.
Cependant, et contre toute attente, le Magistrat de la mise en état, saisi d'un incident après ce deuxième appel, donnait raison à l'intimé par ordonnance d'incident du 8 Septembre 2016, en déclarant irrecevable le second appel du 23 Février 2016 et les conclusions d'appel notifiées le 12 Avril suivant.
Il faisait implicitement application de l'arrêt de la Cour de Cassation précité du 21 Janvier 2016, en ces termes : « Le second appel doit être déclaré irrecevable, alors que le premier appel toujours pendant devant la Chambre 5 était identique à la première déclaration d'appel ayant été formée contre le même jugement et désignant la même partie intimée et que la précédente déclaration d'appel était régulière (la caducité de l'appel ne sanctionnant pas une irrégularité) et avait emporté inscription immédiate de l'affaire au rôle, que ce nouvel appel était donc privé d'effet et les conclusions notifiées le 12 Avril 2016 par l'appelant devaient être déclarées irrecevables. »
C'était sans compter sur l'arrêt plus récent précité de la même Chambre de la Cour de Cassation du 7 Avril 2016 précité. (n° 15-14.154).
L'appelant saisissait en effet la Cour d'un déféré, contestant l'ordonnance d'incident du 8 septembre 2016 du Magistrat de la Mise en Etat.
Aussi, par arrêt du 16 Décembre 2016, le Pôle 5 - Chambre 11 de la Cour d'Appel de Paris auquel était déférée l'ordonnance d'incident du 8 septembre 2016 :
- Rappelait qu'un appel ne fait pas obstacle à l'introduction d'une nouvelle instance d'appel,
- Enonçait qu'il résulte des articles 528 et 538 du Code de Procédure Civile que le délai d'appel est d'un mois à compter de la notification du jugement,
- Et qu'en l'espèce, le délai d'appel n'était pas expiré à la date du second appel,
- Qu'aucune caducité de la première déclaration d'appel n'avait en outre été prononcée à la date du second appel du 23 Février 2016,
- Dès lors, le second appel du 23 Février 2016 était recevable, peu important qu'il ait été interjeté, alors que la caducité de la première déclaration d'appel n'avait pas été prononcée.
La procédure d'appel a ainsi été jugée parfaitement régulière, et l'affaire peut être dorénavant évoquée au fond devant la Cour.
En conclusion
Cet arrêt rendu par la Cour de Paris permet de dissiper les nuages causés par l'arrêt de la Cour de Cassation du 21 janvier 2016, faisant craindre « un tour de vis » supplémentaire à la procédure d'appel.
Cette décision est d'autant la bienvenue qu'elle a été rendue par une juridiction présidée en son temps par Monsieur Magendie.
Aussi, sous réserve de nouveaux revirements jurisprudentiels, l'arrêt de la 2ème Chambre Civile de la Cour de Cassation du 7 Avril 2016 tend à dissiper les inquiétudes suscitées par son précédent arrêt du 21 janvier 2016, dans une espèce particulière, et l'arrêt de la Cour d'Appel de Paris précité du 16 Décembre 2016 en est une parfaite et heureuse illustration.
Il semble dès lors que la caducité de la déclaration d'appel ne rime pas forcément avec la caducité de l'appel, l'Avocat de l'appelant ne travaillant plus totalement « sans filet » mais pouvant « au moins une fois sur le métier procédural remettre l'ouvrage» s'il échoue la première fois, sous réserve des conditions d'ouverture du deuxième appel.