Une importante réforme de la procédure civile


Les principales dispositions du décret du 28/12/05 réformant le Nouveau Code de Procédure Civile


Le décret n°2005-1678 du 28 décembre 2005 est entré en vigueur le 1er mars 2006. Il contient de nombreuses mesures techniques tendant à accélérer le déroulement des instances, à les simplifier et donc à réduire le coût des procédures. Nous nous bornerons à passer en revue les dispositions essentielles d'application courante :

 

I - La demande en justice :


Le nouvel article 54 du N.C.P.C. dispose désormais que la demande peut être introduite :

 

  • par assignation
    par demande conjointe
    ou par requête ou déclaration au secrétariat de la juridiction

L'accent est mis sur ce troisième mode de saisine qui est nouveau et dont l'avantage évident est la simplicité et le faible coût.

 

Cette déclaration unilatérale doit, à peine de nullité (article 58 nouveau) être datée, signée et contenir :

les mentions relatives à l'état civil complet du demandeur ou s'il s'agit d'une personne morale sa forme, sa dénomination, son siège, et l'organe qui la représente légalement


l'objet de la demande
et les indications particulières propres à chaque juridiction précisées par les articles 4 à 19 du décret.


A noter également : la saisine du tribunal par ordonnance du juge des référés, à la demande de l'une des parties. L'article 74 du décret complétant l'article 873 du N.C.P.C. officialise ainsi le système de la «passerelle» déjà pratiqué devant de nombreuses juridictions.

 

II- La mise en état

Dans le même esprit de célérité, de simplification et de réduction des coûts, les articles 22 à 34 du décret apportent différentes modifications qui accroissent le rôle du juge de la mise en état et la portée de ses décisions :

 

1°) le rôle du juge de la mise en état :

 

Aux termes de l'article 764 modifié du N.C.P.C. il peut désormais :

soit fixer le calendrier de la procédure après accord des avocats : il s'agit d'un véritable «contrat judiciaire» tel qu'il existait déjà en pratique devant certaines juridictions. Ce calendrier doit être respecté et les délais fixés ne peuvent être prorogés qu'en cas de cause grave et dûment justifiée
soit renvoyer l'affaire à une conférence ultérieure en vue de faciliter le règlement du litige.

 

2°) Les décisions du juge de la mise en état

 

Outre les décisions que l'article 771 du N.C.P.C lui permettait de prendre, il peut maintenant :

 

Si un accord est intervenu, l'homologuer à la demande des parties (article 24 du décret complétant l'article 768 du N.C.P.C.)

 

Statuer sur les exceptions de procédure et les incidents qui doivent être soulevés devant lui à peine d'irrecevabilité sauf s'ils surviennent ou sont révélés postérieurement à son dessaisissement. (Article 25 du décret complétant l'article 771 du N.C.P.C.)

Statuer non seulement sur les dépens mais également sur les demandes formées en application de l'article 700 du N.C.P.C.

 

Prononcer la clôture de l'instruction dès que l'état de l'affaire le permet. Cette clôture peut intervenir à l'égard de l'une des parties qui n'a pas accompli les actes de procédure dans le délai fixé et ce, d'office ou à la demande de l'autre partie (article 30 modifiant l'article 780 du N.C.P.C., sauf possibilité de rétractation notamment pour permettre de répliquer à des demandes ou des moyens nouveaux présentés par une partie postérieurement à la clôture ou en cas de cause grave et dûment justifiée.

Pour gagner du temps, le décret officialise la pratique selon laquelle le juge de la mise en état qui a reçu délégation, peut accepter le dépôt des dossiers dans les affaires ne nécessitant pas de débat contradictoire. (art. 29 du décret)

 

Pour les affaires renvoyées pour plaider devant le tribunal, le juge de la mise en état établit un rapport oral de l'affaire avant l'audience et peut, à cet effet, inviter les avocats à déposer préalablement leur dossier au greffe, s'il l'estime nécessaire.

 

III - Les mesures d'instruction :

 

Là encore plusieurs dispositions du décret témoignent d'un souci de rapidité et de simplification :

 

Tout d'abord la décision qui ordonne une mesure d'instruction ne dessaisit pas le juge. Elle indique la date à laquelle l'affaire sera rappelée pour un nouvel examen (article 36 du décret complétant l'article 153 du N.C.P.C.).

 

Les parties sont convoquées par tous moyens et non plus nécessairement par lettre.

Les délais fixés par l'expert aux parties pour présenter leurs observations doivent être respectés. Celles -ci doivent rappeler sommairement le contenu de celles qui ont été présentées antérieurement (article 38 du décret modifiant l'article 276 du N.C.P.C.) : On constate ici une certaine analogie avec les dispositions de l'article 13 du décret du 28 décembre 1998 concernant les conclusions récapitulatives.

 

Enfin une plus grande liberté est laissée à l'expert : Ainsi, pour l'accomplissement de sa mission, il peut se faire assister d'une personne de son choix, dont la spécialité n'est pas nécessairement différente de la sienne.

 

IV - Le jugement par défaut :

 

L'Article 44 du décret modifiant l'article 474 du N.C.P.C. contient une disposition importante: Si la décision n'est pas susceptible d'appel et si les parties n'ont pas été citées à personne, le jugement est rendu par défaut sans que le juge puisse décider de citer à nouveau la partie défaillante.

 

V - Les voies de recours :

1°) Le relevé de forclusion :

 

L'article 48 du décret modifie les conditions d'exercice du relevé de forclusion en cas d'appel interjeté hors délai : l'article 540 du N.C.P.C. précise que «le délai raisonnable» mentionné par l'ancien texte pour former la demande de relevé de forclusion est désormais fixé à deux mois suivant le premier acte signifié à personne ou à défaut suivant la première mesure d'exécution.

 

2°) L'exécution provisoire :

 

L'article 47 du décret modifie complètement le régime de l'exécution provisoire tel qu'il était précisé par les articles 515 et suivants du N.C.P.C.

Dorénavant, selon l'article 526, si l'exécution provisoire est prononcée ou est de droit, l'appelant ne pourra soutenir utilement son appel devant la Cour que s'il justifie avoir exécuté la décision rendue en première instance.

 

A défaut, le Premier Président ou le conseiller de la mise en état dès qu'il est saisi peut, à la demande de l'intimé, et après avoir recueilli les observations des parties, décider de rayer l'affaire du rôle.

 

Deux exceptions sont cependant prévues :

 

si l'exécution est de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives.
ou si l'appelant est dans l'impossibilité d'exécuter la décision.


Cette radiation n'a qu'un caractère provisoire: Le rétablissement de l'affaire est autorisé dès justification de l'exécution de la décision, sauf péremption d'instance.

 

Au premier abord, on perçoit bien l'intention des rédacteurs du décret de décourager les plaideurs de se livrer à des manoeuvres dilatoires au moyen d'appels abusifs.

 

Toutefois, cette nouvelle disposition risque d'être lourde de conséquences :

 

Tout d'abord elle s'applique immédiatement aux instances en cours, et au moins pour les affaires où l'ordonnance de clôture n'a pas encore été rendue.

 

Elle va entraîner des effets pervers allant à l'encontre du but recherché, en multipliant les nombreux litiges prévisibles et par conséquent les retards:

 

litige sur l'exécution ou la non exécution de la décision
litige sur la possibilité ou l'impossibilité d'exécuter
litige sur les conséquences manifestement excessives ou non de l'exécution

 

VI- Les notifications et significations :

Le souci de simplification et d'économie est encore présent dans les dispositions du décret modifiant les formalités de notification et de signification des actes de procédure (article 53 à 70 du décret).

 

Ces principales modifications sont les suivantes :

 

Aux termes de l'article 55 du décret modifiant l'article 656 du N.C.P.C. la délivrance des actes en mairie est remplacée par la délivrance des actes à l'étude de l'huissier, lequel aura effectué préalablement les vérifications nécessaires relatives au domicile du signifié et lui aura laissé un avis de passage.

 

Du fait de la modification de l'article 54 du N.C.P.C. offrant aux justiciables la possibilité d'introduire une demande en justice par voie de déclaration au greffe, le décret précise que la notification au défendeur de l'acte introductif d'instance doit contenir les mentions pratiquement identiques à celles d'une assignation.

Concernant les collectivités d'outre-mer, la Nouvelle-Calédonie et l'étranger, le décret supprime la notification à parquet. Sauf le cas d'un règlement communautaire ou d'un traité international, il institue un dispositif destiné à assurer la transmission de l'acte par les autorités locales et sa remise effective au destinataire.

 

Le décret contient d'autres dispositions intéressantes, procédant du même esprit avec en outre un souci de modernité et de commodité. Nous nous bornerons à les citer pour mémoire, en attendant d'y consacrer une étude :

 

  • Dispositions sur la communication par voie électronique (articles 71 à 73 du décret)
    Dispositions particulières à certaines juridictions
    Dispositions relatives à l'amende civile
    Dispositions relatives aux mesures d'exécution : saisie des droits des associés et des valeurs mobilières (article 82 du décret) et saisie conservatoire des créances
    Dispositions relatives à la procédure de changement de nom.

 

Louis GACOIN
Avocat Honoraire