L'ordonnance du 21 Avril 2006 a réformé en profondeur la saisie immobilière, qui rappelons-le, est une mesure d'exécution forcée permettant à un créancier impayé de faire vendre en justice le bien immobilier appartenant à son débiteur.
La saisie immobilière était, jusqu'alors, régie par des lois anciennes datant du 19ème siècle.
Sa lenteur, sa complexité et son coût étaient dénoncés tant par les praticiens habitués des salles des criées, que par les créanciers poursuivants, dont les syndicats de copropriété, voire par les débiteurs saisis.
Cette réforme était donc nécessaire et relève d'un large consensus.
Dans les grandes lignes, l'ordonnance a simplifié, accéléré et modernisé la saisie immobilière en instituant un socle de règles communes à toutes les mesures d'exécution, qu'elles soient mobilières ou immobilières, parachevant ainsi la réforme des voies d'exécution entreprise il y a plus de quinze ans par la loi n° 91-650 du 9 Juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution.
L'ordonnance a pour objet de garantir l'équilibre entre les droits du débiteur et les intérêts de ses créanciers, notamment en renforçant la mission du Juge et en maintenant la représentation obligatoire par un Avocat dont la connaissance de cette procédure d'exécution, particulière et fort complexe, est un gage pour le justiciable.
Elle offre par ailleurs le recours aux solutions consensuelles en favorisant la vente à l'amiable et la répartition, dans le cadre d'un accord, du prix de vente entre les créanciers.
Enfin, elle facilite la vente au meilleur prix du bien saisi dans l'intérêt commun du débiteur et de ses créanciers, notamment en renforçant la transparence des enchères.
Le décret n° 2006-936 du 27 Juillet 2006 relatif, quant à lui, « aux procédures de saisie immobilière et de distribution du prix d'un immeuble », a été pris en application de cette ordonnance.
Ce décret rapproche ainsi les procédures civiles d'exécution mobilières et immobilières parachevant la réforme des voies d'exécution issue de la loi de 1991 précitée.
A ce titre, le Juge de l'exécution est dorénavant compétent pour connaître de l'ensemble de ces procédures d'exécution tant mobilières, qu'immobilières.
Est ainsi instaurée une audience d'orientation intervenant en amont de la procédure permettant au Juge d'autoriser, le cas échéant, le débiteur à vendre, sur sa demande, son bien à l'amiable.
Enfin, le décret simplifie de manière importante la distribution du prix de vente de l'immeuble dont le caractère amiable est favorisé.
A ce sujet, un article publié sur ce site a traité des difficultés rencontrées par les syndicats des copropriétaires quant au recouvrement de leurs charges et des espoirs que faisait naître la loi Engagement National pour le Logement dite « ENL » n° 2006-872 du 13 Juillet 2006, quant à l'incitation des copropriétaires défaillants à payer leurs charges de copropriété.
Dans la négative, ces derniers prendraient le risque de devoir supporter dorénavant une plus grande part des importants frais de recouvrement amiables et judiciaires générés par leur abstention fautive.
De son côté, la réforme des saisies immobilières devrait, quant à elle, faciliter le recouvrement des créances de charges arriérées les plus importantes.
En effet, lorsqu'un copropriétaire fait résistance au paiement de ses charges, après avoir épuisé toutes les voies de recouvrement amiable, le syndic représentant le syndicat des copropriétaires poursuivant, n'a d'autre solution que de saisir les Tribunaux compétents dans le cadre d'une instance en recouvrement de charges.
Cependant, une fois un jugement obtenu, et si après signification de celui-ci au copropriétaire débiteur, ce dernier continue de résister, le syndic dispose en théorie d'un important arsenal pour en poursuivre l'exécution.
Il peut, le cas échéant, tenter une saisie sur les meubles, le véhicule automobile de son débiteur, sur son compte bancaire, sur les loyers qu'il perçoit si le logement est loué, et enfin, sur son salaire s'il est salarié.
Cependant, ces saisies peuvent s'avérer infructueuses et génératrices de frais avant d'être efficaces.
La dernière solution pour le syndicat des copropriétaires est d'envisager la vente sur saisie immobilière des lots de ce copropriétaire en la faisant régulièrement voter en assemblée générale avec la fixation du montant de la mise à prix, qui habituellement est égale au montant des charges à recouvrer en principal, outre les divers frais accessoires.
De plus, afin de garantir les droits et poursuites du syndicat contre ce copropriétaire débiteur défaillant, la copropriété dispose d'un double privilège :
- pour les créances relatives aux charges et travaux de l'année courante au moment de la vente,
- pour les deux dernières années échues avant la vente.
- qui met le syndicat en concurrence avec le vendeur et le prêteur de deniers pour les créances concernant les charges et travaux relatifs aux 3ème et 4ème années avant la vente.
Cependant, par son coût et ses conséquences, la saisie immobilière qui a pour effet « l'expropriation du copropriétaire débiteur », doit être considérée
comme une ultime voie de droit.
En effet, une telle procédure, outre les charges impayées qui en sont l'objet, requiert de la part du syndicat des copropriétaires poursuivant, et donc des copropriétaires qui en sont membres, une avance financière complémentaire d'honoraires, après les frais d'obtention d'un titre exécutoire et le financement des hypothèques qui peuvent être prudemment inscrites, outre quelques frais d'huissier et de recherches techniques.
Plus encore, entre la date de l'assemblée qui l'a votée et l'adjudication, il s'écoule en moyenne une année, si le débiteur ne soulève pas d'incident lors de la procédure.
D'ailleurs jusqu'alors, sous l'empire de l'ancienne procédure « le parcours du combattant » du syndicat poursuivant n'était nullement terminé.
Il devait compter et patienter pendant deux nouvelles années jusqu'à l'issue de « la procédure d'ordre », ayant pour objet de répartir entre les différents créanciers poursuivants le prix de l'adjudication, payé par l'adjudicataire et consigné à cet effet.
Cette répartition restait, en toute hypothèse, aléatoire et dépendait du nombre de créanciers qui avaient pris la peine de s'inscrire auprès de la
Conservation des hypothèques, et en fonction de leur créance respective.
Aussi, la réforme en vigueur depuis le 1er Janvier 2007 devrait permettre de remédier, au moins en partie, à ces inconvénients :
En effet, les créanciers ayant fait l'objet d'une sommation de déclarer leur créance en cours de la procédure de saisie immobilière seront déchus de leur sûreté en cas de carence.
Quelles sont les nouvelles mentions apportées par la réforme (article 15 du décret du 27 Juillet 2006) ?
sommation de payer dans un délai de 8 jours
il est établi par un huissier de justice à l'expiration d'un délai de 8 jours suivant la signification du commandement.
- elle confirme que le bien est devenu indisponible entre les mains du saisi, qui ne peut plus alors percevoir de loyers, ni le vendre sans en aviser le créancier poursuivant.
Cette dénonciation vaut assignation à comparaître à l'audience d'orientation et donne aux créanciers inscrits un délai de deux mois pour déclarer leur créance par l'intermédiaire d'un Avocat, auquel il devra impérativement être remis un décompte et les pièces en justifiant.
- le jugement d'orientation est susceptible d'appel dans un délai de 15 jours.
Si la vente n'a pas eu lieu, le Juge peut accorder, sous certaines conditions, un délai supplémentaire de trois mois pour permettre la vente amiable, ou bien ordonner la vente forcée.
Tel sera le cas, si le débiteur n'accomplit pas les diligences nécessaires à la conclusion de cette vente amiable, et s'il ne rend pas compte au créancier inscrit des démarches à cette fin, sa carence pouvant alors être constatée par le juge, et conduire à la reprise de la procédure.
L'article 55 alinéa 2 du décret du 27 juillet 2006, permet ainsi au créancier de contrôler le déroulement de la procédure.
Le Juge de l'Exécution qui constate la vente amiable ordonne la radiation des inscriptions d'hypothèques et de privilèges, et le jugement rendu est publié aux Hypothèques.
- la vente forcée est annoncée deux mois au plus tôt et un mois au plus tard avant l'audience d'adjudication par deux avis :
- un avis complet affiché au Tribunal et publié dans un journal d'annonces légales,
- un avis simplifié apposé à l'entrée de l'immeuble saisi et publié dans deux éditions périodiques de journaux à diffusion locale ou régionale.
Elles sont arrêtées lorsque trois minutes se sont écoulées depuis la dernière enchère, chaque minute étant marquée par un signal sonore ou visuel.
L'Avocat dernier enchérisseur est tenu de déclarer au Greffe l'identité de son mandant.
Une importante précision :
Pour porter les enchères, la loi impose la justification d'une caution bancaire irrévocable ou un chèque de banque représentant 10% du montant de la mise à prix.
10°) La surenchère :
Alors que cette réforme commence à peine d'être mise en oeuvre, gageons qu'elle permettra de faciliter les poursuites des créanciers, souvent les banques et les syndicats de copropriété, en incitant le débiteur défaillant à prendre ses responsabilités et ainsi, à solliciter avant le terme de la procédure de vente forcée et de répartition des fonds, la vente amiable de son bien par le truchement d'un notaire, aux conditions du marché.
Cette loi qui pose, à priori, beaucoup de questionnements techniques aux professionnels, en particulier, les Avocats spécialisés dans cette complexe et exigeante matière, et dont la réussite ne pourra être vérifiée qu'à la pratique, a au moins le mérite d'apporter une certaine souplesse tant pour les créanciers, que pour les débiteurs, à une procédure qui paraissait longue, rigide et contraignante pour l'ensemble des parties.
« Un tien vaut mieux que deux tu l'auras ». A suivre. !
Philippe JEAN-PIMOR
Avocat associé