Saisie immobilière : la réforme en application depuis le 1er janvier 2007

 

L'ordonnance du 21 Avril 2006 a réformé en profondeur la saisie immobilière, qui rappelons-le, est une mesure d'exécution forcée permettant à un créancier impayé de faire vendre en justice le bien immobilier appartenant à son débiteur.

 

La saisie immobilière était, jusqu'alors, régie par des lois anciennes datant du 19ème siècle.

 

Sa lenteur, sa complexité et son coût étaient dénoncés tant par les praticiens habitués des salles des criées, que par les créanciers poursuivants, dont les syndicats de copropriété, voire par les débiteurs saisis.

 

Cette réforme était donc nécessaire et relève d'un large consensus.

 

Dans les grandes lignes, l'ordonnance a simplifié, accéléré et modernisé la saisie immobilière en instituant un socle de règles communes à toutes les mesures d'exécution, qu'elles soient mobilières ou immobilières, parachevant ainsi la réforme des voies d'exécution entreprise il y a plus de quinze ans par la loi n° 91-650 du 9 Juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution.

 

L'ordonnance a pour objet de garantir l'équilibre entre les droits du débiteur et les intérêts de ses créanciers, notamment en renforçant la mission du Juge et en maintenant la représentation obligatoire par un Avocat dont la connaissance de cette procédure d'exécution, particulière et fort complexe, est un gage pour le justiciable.

 

Elle offre par ailleurs le recours aux solutions consensuelles en favorisant la vente à l'amiable et la répartition, dans le cadre d'un accord, du prix de vente entre les créanciers.

 

Enfin, elle facilite la vente au meilleur prix du bien saisi dans l'intérêt commun du débiteur et de ses créanciers, notamment en renforçant la transparence des enchères.

 

Le décret n° 2006-936 du 27 Juillet 2006 relatif, quant à lui, « aux procédures de saisie immobilière et de distribution du prix d'un immeuble », a été pris en application de cette ordonnance.

 

Ce décret rapproche ainsi les procédures civiles d'exécution mobilières et immobilières parachevant la réforme des voies d'exécution issue de la loi de 1991 précitée.

 

A ce titre, le Juge de l'exécution est dorénavant compétent pour connaître de l'ensemble de ces procédures d'exécution tant mobilières, qu'immobilières.

 

Est ainsi instaurée une audience d'orientation intervenant en amont de la procédure permettant au Juge d'autoriser, le cas échéant, le débiteur à vendre, sur sa demande, son bien à l'amiable.

 

Enfin, le décret simplifie de manière importante la distribution du prix de vente de l'immeuble dont le caractère amiable est favorisé.

 

A ce sujet, un article publié sur ce site a traité des difficultés rencontrées par les syndicats des copropriétaires quant au recouvrement de leurs charges et des espoirs que faisait naître la loi Engagement National pour le Logement dite « ENL » n° 2006-872 du 13 Juillet 2006, quant à l'incitation des copropriétaires défaillants à payer leurs charges de copropriété.

 

Dans la négative, ces derniers prendraient le risque de devoir supporter dorénavant une plus grande part des importants frais de recouvrement amiables et judiciaires générés par leur abstention fautive.

 

De son côté, la réforme des saisies immobilières devrait, quant à elle, faciliter le recouvrement des créances de charges arriérées les plus importantes.

 

En effet, lorsqu'un copropriétaire fait résistance au paiement de ses charges, après avoir épuisé toutes les voies de recouvrement amiable, le syndic représentant le syndicat des copropriétaires poursuivant, n'a d'autre solution que de saisir les Tribunaux compétents dans le cadre d'une instance en recouvrement de charges.

 

Cependant, une fois un jugement obtenu, et si après signification de celui-ci au copropriétaire débiteur, ce dernier continue de résister, le syndic dispose en théorie d'un important arsenal pour en poursuivre l'exécution.

 

Il peut, le cas échéant, tenter une saisie sur les meubles, le véhicule automobile de son débiteur, sur son compte bancaire, sur les loyers qu'il perçoit si le logement est loué, et enfin, sur son salaire s'il est salarié.

 

Cependant, ces saisies peuvent s'avérer infructueuses et génératrices de frais avant d'être efficaces.

 

La dernière solution pour le syndicat des copropriétaires est d'envisager la vente sur saisie immobilière des lots de ce copropriétaire en la faisant régulièrement voter en assemblée générale avec la fixation du montant de la mise à prix, qui habituellement est égale au montant des charges à recouvrer en principal, outre les divers frais accessoires.

 

De plus, afin de garantir les droits et poursuites du syndicat contre ce copropriétaire débiteur défaillant, la copropriété dispose d'un double privilège :

 

  • - l'hypothèque légale régie par l'article 19 de la loi du 10 Juillet 1965, qui constitue une hypothèque conservatoire prise sur les lots de ce copropriétaire,
  • - le privilège immobilier spécial (article 2374 du Code Civil) :
  •  - qui donne la priorité absolue au syndicat dans la distribution du prix, en cas de vente des lots :

- pour les créances relatives aux charges et travaux de l'année courante au moment de la vente,
- pour les deux dernières années échues avant la vente.

 

- qui met le syndicat en concurrence avec le vendeur et le prêteur de deniers pour les créances concernant les charges et travaux relatifs aux 3ème et 4ème années avant la vente.

 

Cependant, par son coût et ses conséquences, la saisie immobilière qui a pour effet « l'expropriation du copropriétaire débiteur », doit être considérée

comme une ultime voie de droit.

 

En effet, une telle procédure, outre les charges impayées qui en sont l'objet, requiert de la part du syndicat des copropriétaires poursuivant, et donc des copropriétaires qui en sont membres, une avance financière complémentaire d'honoraires, après les frais d'obtention d'un titre exécutoire et le financement des hypothèques qui peuvent être prudemment inscrites, outre quelques frais d'huissier et de recherches techniques.

 

Plus encore, entre la date de l'assemblée qui l'a votée et l'adjudication, il s'écoule en moyenne une année, si le débiteur ne soulève pas d'incident lors de la procédure.

 

D'ailleurs jusqu'alors, sous l'empire de l'ancienne procédure « le parcours du combattant » du syndicat poursuivant n'était nullement terminé.

 

Il devait compter et patienter pendant deux nouvelles années jusqu'à l'issue de « la procédure d'ordre », ayant pour objet de répartir entre les différents créanciers poursuivants le prix de l'adjudication, payé par l'adjudicataire et consigné à cet effet.

 

Cette répartition restait, en toute hypothèse, aléatoire et dépendait du nombre de créanciers qui avaient pris la peine de s'inscrire auprès de la

Conservation des hypothèques, et en fonction de leur créance respective.

 

Aussi, la réforme en vigueur depuis le 1er Janvier 2007 devrait permettre de remédier, au moins en partie, à ces inconvénients :

 

  • - en confiant à un seul Juge, soit celui de l'Exécution, le soin de connaître tant la saisie elle-même, que la procédure de distribution qui s'en suit,
  • - en responsabilisant le débiteur, en l'autorisant à procéder à la vente de son bien comme indiqué ci-dessus, ce qui a pour mérite de se rapprocher au maximum du prix du marché au jeu de la liberté des enchères.
  • - en imposant des garanties de paiement aux adjudicataires (acquéreurs aux enchères),
  • - en attribuant au jugement d'adjudication la valeur de titre d'expulsion du débiteur occupant, ce qui n'était pas le cas précédemment, puisqu'un nouveau titre d'expulsion devait être, le cas échéant, obtenu par l'adjudicataire,
  • - en simplifiant et en accélérant la procédure,
  • - en limitant les contestations dilatoires du débiteur,
  • - en anticipant la procédure de distribution du prix de vente,
  • - en accélérant à « grand pas » la procédure d'ordre :

En effet, les créanciers ayant fait l'objet d'une sommation de déclarer leur créance en cours de la procédure de saisie immobilière seront déchus de leur sûreté en cas de carence.


I- En bref, les grandes étapes de la procédure de saisie immobilière :

1°) Le commandement de payer valant saisie immobilière :

  • - si la saisie porte sur plusieurs immeubles, il est établi un commandement par ressort de conservation des hypothèques.
  • - si l'immeuble saisi est un bien commun, le commandement est signifié aux deux époux.
  • - si l'immeuble appartient en propre au saisi, mais constitue la résidence familiale, il est dénoncé à son conjoint,
  •  

Quelles sont les nouvelles mentions apportées par la réforme (article 15 du décret du 27 Juillet 2006) ?
sommation de payer dans un délai de 8 jours

 

  • - indication de la possibilité de vente amiable à condition d'y être autorisé par le Juge de l'Exécution,
  • - sommation d'indiquer si le bien est loué et acquis,
  • - indication qu'un huissier de justice peut pénétrer dans les lieux afin d'établir un procès-verbal de description,
  • -indication du Juge de l'Exécution territorialement compétent pour connaître de la procédure et de ses contestations,
  • -suppression de l'exigence d'un pouvoir spécial, sans néanmoins supprimer la nécessaire et prudente autorisation d'une assemblée lorsque c'est un syndicat des copropriétaires qui poursuit la vente.

 

2°) Le procès-verbal de description des lieux :

il est établi par un huissier de justice à l'expiration d'un délai de 8 jours suivant la signification du commandement.

 

3°) La publication du commandement valant saisie :

  • - elle doit être faite dans le délai de deux mois suivant la délivrance du commandement,
  •  
  • - elle rend opposable la saisie aux tiers,
  •  
  • - elle marque le point de départ d'un délai de deux ans afin que soit fait mention en marge de cette publication d'un jugement constatant la vente du bien saisi.
  •  

  • - elle confirme que le bien est devenu indisponible entre les mains du saisi, qui ne peut plus alors percevoir de loyers, ni le vendre sans en aviser le créancier poursuivant.

  •  

4°) L'assignation devant le Juge de l'Exécution à l'audience d'orientation :

  • - elle est délivrée au débiteur saisi dans les deux mois suivant la publication du commandement,
  • - elle marque le point de départ d'un délai de 3 jours imparti au créancier poursuivant pour déposer le cahier des conditions de vente (ancien cahier des charges) au Greffe du Juge de l'Exécution,
  • - elle fait courir également un délai de cinq jours pour dénoncer aux créanciers inscrits le commandement valant saisie.

Cette dénonciation vaut assignation à comparaître à l'audience d'orientation et donne aux créanciers inscrits un délai de deux mois pour déclarer leur créance par l'intermédiaire d'un Avocat, auquel il devra impérativement être remis un décompte et les pièces en justifiant.

 

5°) L'audience d'orientation :

  • - le Juge de l'Exécution vérifie que les conditions de validité de la saisie immobilière sont réunies,
    •  
      •  
        • - le Juge statue sur les éventuelles contestations et demandes d'incident du débiteur. Il détermine les modalités de poursuite de la procédure, en : 
        •            - autorisant, le cas échéant, la vente amiable à la demande du débiteur, 
                     - ou en ordonnant la vente forcée,

 - le jugement d'orientation est susceptible d'appel dans un délai de 15 jours.

 

6°) La vente amiable autorisée par le Juge de l'Exécution :

 

  • - la décision d'autorisation de vente amiable suspend la procédure,
    - le Juge de l'Exécution fixe la date à laquelle l'affaire sera rappelée dans un délai qui ne peut être supérieur à quatre mois,
    - lors de l'audience de rappel, si la vente a eu lieu, l'acte de vente dressé par Notaire est soumis à l'approbation du Juge de l'Exécution.

Si la vente n'a pas eu lieu, le Juge peut accorder, sous certaines conditions, un délai supplémentaire de trois mois pour permettre la vente amiable, ou bien ordonner la vente forcée.

 

Tel sera le cas, si le débiteur n'accomplit pas les diligences nécessaires à la conclusion de cette vente amiable, et s'il ne rend pas compte au créancier inscrit des démarches à cette fin, sa carence pouvant alors être constatée par le juge, et conduire à la reprise de la procédure.

 

L'article 55 alinéa 2 du décret du 27 juillet 2006, permet ainsi au créancier de contrôler le déroulement de la procédure.

Le Juge de l'Exécution qui constate la vente amiable ordonne la radiation des inscriptions d'hypothèques et de privilèges, et le jugement rendu est publié aux Hypothèques.

 

 

7°) La vente forcée ordonnée par le Juge de l'Exécution :

  • - le Juge de l'Exécution qui ordonne la vente forcée fixe la date de l'audience d'adjudication (entre le 2ème et le 4ème mois suivant sa décision) et peut organiser les modalités de vente, dont celles de visite du bien concerné,

- la vente forcée est annoncée deux mois au plus tôt et un mois au plus tard avant l'audience d'adjudication par deux avis :

 

- un avis complet affiché au Tribunal et publié dans un journal d'annonces légales,
- un avis simplifié apposé à l'entrée de l'immeuble saisi et publié dans deux éditions périodiques de journaux à diffusion locale ou régionale.

  • - à l'audience d'adjudication, si aucun créancier ne sollicite la vente, le Juge constate la caducité du commandement de payer valant saisie,
  • -les enchères sont portées par le ministère d'un Avocat qui ne peut être porteur que d'un seul mandat.

Elles sont arrêtées lorsque trois minutes se sont écoulées depuis la dernière enchère, chaque minute étant marquée par un signal sonore ou visuel.

 

L'Avocat dernier enchérisseur est tenu de déclarer au Greffe l'identité de son mandant.

 

  • - à défaut d'enchères, le créancier poursuivant est déclaré aussitôt d'office adjudicataire pour le montant de la mise à prix,
  • - faute de consignation du prix dans le délai de deux mois suivant l'adjudication définitive, la vente est résolue de plein droit et il y a lieu de procéder à une nouvelle vente aux enchères.

 

Une importante précision :

 

Pour porter les enchères, la loi impose la justification d'une caution bancaire irrévocable ou un chèque de banque représentant 10% du montant de la mise à prix.

 

 

8°) Le jugement d'adjudication :

  • - il est notifié par le Greffe aux créanciers poursuivants, au débiteur, aux créanciers inscrits, ainsi qu'à toute personne ayant élevé une contestation tranchée par la décision,
  • - il est susceptible d'appel, sauf s'il statue sur une contestation (appel possible dans les 15 jours),
  • - il constitue un titre d'expulsion à l'encontre du saisi.

9°) Le titre de vente :

  • - il résulte de l'expédition du cahier des conditions de vente revêtu de la formule exécutoire, à la suite de laquelle est transcrit le jugement d'adjudication,
  • - il est délivré par le Greffe à l'adjudicataire et une copie est adressée au débiteur et au créancier poursuivant,
  • - il est publié au bureau des hypothèques à la diligence de l'adjudicataire, ou à défaut, du créancier poursuivant.

10°) La surenchère :

 

  • - dans les 15 jours suivant l'adjudication, toute personne peut faire une surenchère du 10ème au moins du prix principal de la vente,
  • - elle est formée par acte d'Avocat déposé au Greffe du Juge de l'Exécution et vaut fixation d'une audience de surenchère,
  • - la déclaration de surenchère est dénoncée par acte d'huissier au créancier poursuivant, à l'adjudicataire et au débiteur saisi.

Conclusion :

Alors que cette réforme commence à peine d'être mise en oeuvre, gageons qu'elle permettra de faciliter les poursuites des créanciers, souvent les banques et les syndicats de copropriété, en incitant le débiteur défaillant à prendre ses responsabilités et ainsi, à solliciter avant le terme de la procédure de vente forcée et de répartition des fonds, la vente amiable de son bien par le truchement d'un notaire, aux conditions du marché.

 

Cette loi qui pose, à priori, beaucoup de questionnements techniques aux professionnels, en particulier, les Avocats spécialisés dans cette complexe et exigeante matière, et dont la réussite ne pourra être vérifiée qu'à la pratique, a au moins le mérite d'apporter une certaine souplesse tant pour les créanciers, que pour les débiteurs, à une procédure qui paraissait longue, rigide et contraignante pour l'ensemble des parties.

 

« Un tien vaut mieux que deux tu l'auras ». A suivre. !

 

Philippe JEAN-PIMOR

Avocat associé