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CESSION DE CRÉANCE - LA POURSUITE DU DÉBITEUR CÉDÉ ET SES DIFFICULTES

Dans le contexte actuel d'augmentation des taux d'intérêt et en particulier celui de la BCE, celle-ci a sonné l'alarme sur la montée de l'endettement des entreprises. Ces dernières peuvent détenir des prêts non performants sur leurs clients qui immobilisent leur capital et freinent leurs perspectives de développement.


Certaines sociétés de recouvrement de créances, outre leur rôle traditionnel de recouvrement desdites créances, proposent aux entreprises intéressées de racheter leur portefeuille de créances.


Ces opérations qui présentent pour l'entreprise cessionnaire un intérêt économique et financier constituant une source de trésorerie, trouvent leur fondement juridique dans le Code civil qui régit le mécanisme des actes de cession de créances.
Cependant, pour être opposable aux débiteurs cédés (professionnels, sociétés ou particuliers), tant le cédant que le cessionnaire du portefeuille de créance doivent respecter un certain nombre de règles.


C'est d'ailleurs à l'occasion d'une mesure d'exécution forcée de la créance cédée, que le débiteur de celle-ci pourra être amené à la contester, invoquant par exemple ne pas avoir été informé d'une dette à son égard au profit du créancier cédant et dorénavant du créancier cessionnaire.

 

1°) Alors quelles règles légales doivent être mises en œuvre à l'occasion de la cession d'une créance ?

Une définition :


Selon l'article 1321 du Code civil en sa nouvelle version depuis le décret du 10 février 2016 « La cession de créance est un contrat par lequel le créancier cédant transmet à titre onéreux ou gratuit, tout ou partie de sa créance contre le débiteur cédé à un tiers appelé le cessionnaire. Elle peut porter sur une ou plusieurs créances présentes ou futures, déterminées ou déterminables. ».


« Elle s'étend aux accessoires de la créance. Le consentement du débiteur n'est pas requis à moins que la créance ait été stipulée incessible. »


Sur la forme de la cession de créance


Selon l'article 1322 du même Code « La cession de créance doit être constatée par écrit à peine de nullité. ».


Selon l'article 1323 du même Code « Entre les parties, ce transfert de la créance présente ou future s'opère à la date de l'acte. Il est opposable aux tiers dès ce moment. En cas de contestation, la preuve de la date de la cession incombe au cessionnaire qui peut le rapporter par tout moyen. ».


Sur l'opposabilité de la cession au débiteur


Selon l'article 1324 du Code civil « La cession n'est opposable au débiteur, s'il n'y a déjà consenti, que si elle lui a été notifiée ou s'il en a pris acte. ».


Mais : « Le débiteur peut opposer au cessionnaire les exceptions inhérentes à la dette, telles que la nullité, l'exception d'inexécution, la résolution ou la compensation des dettes connexes. Il peut également opposer les exceptions nées de ces rapports avec le cédant avant que la cession lui soit devenue opposable, telles que l'octroi d'un terme, la remise de dettes ou la compensation de dettes non connexes... ».

 

2°) Sur les difficultés auxquelles peuvent être confrontés les créanciers cessionnaires poursuivants.

Souvent à l'occasion de la mesure d'exécution forcée par le cessionnaire, du jugement matérialisant la créance qui appartenait au cédant, le débiteur cédé, surtout lorsqu'il est un particulier, se découvre débiteur d'un organisme qui a cédé sa créance.


Ce peut être à l'occasion d'une saisie-attribution pratiquée par un commissaire de justice (ancien huissier) instrumentaire pour un montant donné alors :


- que le débiteur avait oublié avoir contracté une dette ; Celle-ci pouvant être ancienne.


- qu'il avait déménagé, n'ayant pas pu alors être informé d'une citation à comparaitre à la requête du créancier devant le Tribunal compétent, ni d'un jugement de condamnation rendu à son encontre.


Celui-ci lui a pourtant été régulièrement signifié à sa dernière adresse connue au visa de l'article 699 du Code de procédure civile dans le cadre d'un procès-verbal de vaines recherches.


Cependant, ledit débiteur cédé pourra dans le mois de la saisie pratiquée sur son compte bancaire saisir le JEX compétent pour tenter de voir annulée ladite saisie et se voir recrédité des fonds saisis.


Les moyens souvent opposés par le débiteur saisi


Liminairement, il est rappelé qu'au visa de l'article R 211-11 du Code des procédures civiles d'exécution « À peine d'irrecevabilité, les contestations relatives à la saisie sont formées dans le délai d'un mois à compter de la dénonciation de la saisie au débiteur. Sous les mêmes sanctions, elles sont dénoncées le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, par lettre avec demande d'avis de réception au commissaire de justice (ancien huissier).»

 

Dans ce cadre, le débiteur cédé tentera de demander au juge de l'exécution saisi de prononcer la nullité de la saisie-attribution pratiquée invoquant :


- le défaut de signification du titre ;


- la non-opposabilité de la cession de créance à lui-même.


La jurisprudence récente a eu l'occasion à plusieurs reprises de rappeler un certain nombre de principes qui visent à préserver les intérêts du créancier cessionnaire poursuivant de bonne foi, qui a par ailleurs respecté les règles sus rappelées de la cession de créance, voire de les préciser.


1. Sur le défaut de signification du titre


Le débiteur tentera tout d'abord de démontrer qu'il n'a jamais eu connaissance du titre (le jugement de condamnation) qui fonde les poursuites du créancier saisissant, invoquant le fait que l'acte du commissaire de justice instrumentaire ne serait pas valable, celui-ci n'ayant en substance pas effectué toutes les diligences requises pour remettre son acte à la personne du débiteur saisi. Aussi, le juge de l'exécution examinera avec attention les exploits du commissaire de justice pour vérifier si la signification à la personne du débiteur a été possible ou non. Le juge vérifiera ainsi les diligences du commissaire de justice :


- qui interrogera la personne sur place : il lui sera souvent répondu que le débiteur est parti sans laisser d'adresse (PSA) ;


- qui aura vérifié sur les pages blanches de l'annuaire téléphonique l'adresse du débiteur ;


- qui se sera rapproché des services postaux pour connaitre l'adresse du débiteur ; en général sans succès puisque ceux-ci lui opposent le secret professionnel.


Dans ces conditions, le commissaire de justice, après avoir régulièrement constaté que le débiteur n'avait ni domicile ou résidence, ni lieu de travail connu, dressera alors un procès-verbal de vaines recherches au visa de l'article 699 du Code de procédure civile à la dernière adresse connue du débiteur rendant son acte parfaitement valable et opposable à celui-ci.


Le juge de l'exécution décidera alors que le titre exécutoire a dès lors incontestablement été valablement signifié au débiteur saisi.


C'est d'ailleurs souvent, à l'occasion de la saisie de son compte bancaire que le débiteur, informé par son banquier, réagira enfin.

 

2. Sur la non-opposabilité de la cession de créance


Ensuite, le moyen le plus communément soulevé par le débiteur est celui de la non-opposabilité à lui-même de la cession de créance et partant la nullité de la saisie-attribution pratiquée à son détriment. Il est rappelé que, au visa de l'article 1324 du Code civil en sa dernière rédaction issue du décret du 10 février 2016, « La cession n'est opposable au débiteur s'il y a déjà consenti, que si elle lui a été notifiée ou s'il en a pris acte. ». Les tribunaux précisent et rappellent que cet article 1324 du Code civil n'impose pas une signification par commissaire de justice (ancien huissier) mais une notification pouvant être réalisée par tout moyen. Dès lors, une simple mise en demeure de payer adressée par le créancier poursuivant à la dernière adresse connue du débiteur remplit les exigences d'une notification de cession de créance prévue par le législateur. De plus, l'opposabilité de la cession de créance peut résulter de tout acte de procédure informant le débiteur de manière précise de la cession, notamment une assignation en justice ; la loi n'imposant aucun délai pour notifier la cession de créance avant d'en obtenir le paiement (cf. CA de FORT-DE-FRANCE, Chambre civile, arrêt du 19 décembre 2023, RG n° 22/00242 : arrêt confirmatif d'un jugement du Tribunal Mixte de Commerce de FORT-DE-FRANCE du 18 février 2022).


Plus en aval du process de recouvrement, la Cour de Cassation a rappelé que « La remise au débiteur, lors d'une audience du juge de l'exécution, de conclusions mentionnant une cession de créance et contenant une copie de l'acte de cession équivaut à une signification au débiteur auquel la cession est dès lors opposable au sens des articles 1689 et 1690 du Code civil dans leur rédaction antérieure à celle de l'ordonnance du 10 février 2016. » (Cass. civ. 1ère, 1er juin 2022, n° 21-12.276)


En conséquence, même si le créancier poursuivant n'a pas été en mesure de procéder régulièrement à la notification de la cession de créance au débiteur poursuivi ou d'en justifier en amont, il lui reste des voies de rattrapage en aval et, en particulier, en cas de contestation de la mesure d'exécution forcée dans le cadre d'une instance pendante devant le juge de l'exécution.


Il s'en déduit que le créancier poursuivant, cessionnaire de la créance, a tout mis en œuvre pour informer le débiteur saisi de la cession de créance qui lui permet de poursuivre ce dernier. Il sera difficile à celui-ci de prétendre que ladite cession de créance lui serait inopposable d'autant que, dans une instance devant le juge de l'exécution, le créancier poursuivant a encore la faculté de régulariser la notification de la cession de créance à son profit.


Très souvent, les contrats de crédits qui peuvent fonder la créance cédée comportent des stipulations qui protègent le prêteur et son cessionnaire libellées en ces termes : « Les emprunteurs s'engagent à informer le prêteur de tout changement intervenu dans leur situation depuis la signature de la présente offre de contrat de crédit, notamment en ce qui concerne leur domicile ou leur domiciliation bancaire, ou toute autre information nécessaire à la gestion du crédit. ». Le débiteur ne pourra opposer alors un changement d'adresse, s'il n'en a pas averti son créancier.


Plus encore, le contrat de crédit peut stipuler que :« Le présent contrat constitue un titre à ordre : il pourra en conséquence être transmis par le prêteur par simple endossement, le bénéficiaire de l'endossement acquérant alors vis-à-vis des emprunteurs tous les droits et garanties résultant du présent contrat de crédit sans qu'il soit nécessaire de notifier la cession du contrat de crédit aux emprunteurs. ».


Cette stipulation acceptée par le débiteur cédé est une garantie supplémentaire pour le créancier cédant et le créancier cessionnaire poursuivant, puisque le seul endossement du contrat de crédit par le cessionnaire lui permet de poursuivre le débiteur cédé sans qu'il soit nécessaire de lui notifier préalablement ou simultanément la cession du contrat de crédit.


CONCLUSION :

 

Dès lors que le créancier poursuivant, cessionnaire de la créance, a tout mis en œuvre pour informer le débiteur saisi de la cession de créance, soit par les voies légales, soit par dérogation conventionnelle, il sera difficile à celui-ci de prétendre que la cession de créance lui serait inopposable et d'obtenir en conséquence la nullité de la saisie-attribution pratiquée. Ces garanties légales et conventionnelles de la validité de l'acte de cession de créance et de son opposabilité permettent d'envisager avec sérénité le mécanisme de la cession de créance au profit, par exemple, d'entreprises qui voudraient améliorer leur trésorerie.