Les entreprises (PME, TPE) ont souvent besoin de recourir au crédit bancaire pour développer leur activité (amélioration de l'outil de production - nouveaux investissements indispensables au développement d'un marché).
Les banques étant de plus en plus frileuses, quoiqu'on en dise, à prêter leur concours à ces entreprises, elles sont de plus en plus exigeantes en contrepartie de celui-ci.
De manière générale, elles conditionnent leur prêt, à l'engagement du représentant légal de l'entreprise qui a par ailleurs souvent, un intérêt patrimonial dans celle-ci, à son engagement de caution solidaire.
Cet engagement de caution solidaire présente un intérêt particulier pour la banque si l'entreprise est en état de cessation des paiements et donc :
- soit contrainte d'effectuer une déclaration de cessation des paiements au greffe du Tribunal de commerce de son immatriculation,
- soit assignée en redressement judiciaire/liquidation judiciaire par l'un de ses créanciers impayés, muni d'un titre exécutoire dont les causes n'ont pu être exécutées.
Alors le Tribunal décidera :
- soit de la mise en redressement judiciaire de la Société en difficulté financière, car ses chances de recouvrement sont envisagées,
- soit de la mise en liquidation judiciaire de l'entreprise, dont les actifs après leur réalisation ne pourront que partiellement régler les créanciers.
Quoi qu'il en soit, dans l'un et l'autre cas, le jugement du Tribunal décidant de la mise en redressement judiciaire ou en liquidation judiciaire de l'entreprise aura, au visa de l'article L.622-21 du Code de commerce auquel renvoient :
- l'article L.631-14 pour le redressement judiciaire,
- l'article L.641-3 pour la liquidation judiciaire,
pour conséquence, l'arrêt des poursuites individuelles des créanciers contre l'entreprise débitrice. Il en est de même de la procédure de sauvegarde qui n'est pas expressément abordée dans le présent article.
Chaque créancier, pour toute créance antérieure au jugement de redressement judicaire ou de liquidation judiciaire de la Société débitrice, devra déclarer sa créance entre les mains du représentant des créanciers dans le cadre d'un redressement judiciaire ou du liquidateur dans le cadre d'une liquidation judiciaire.
Les chances de recouvrement de la créance déclarée seront quasi nulles dans la liquidation judiciaire et dépendront dans le redressement judiciaire, du sort du redressement envisagé soit par :
- continuation de l'activité,
- cession de l'entreprise à un repreneur à la Barre du Tribunal.
Aussi, l'engagement de caution personnelle, en général du représentant légal de l'entreprise en difficulté, permettra au créancier garanti, que sera souvent un établissement bancaire, de contourner :
- le principe susmentionné de la suspension des poursuites individuelles,
- les aléas d'une procédure collective.
Cependant, la poursuite de la caution par le créancier garanti est soumise à des conditions légales et jurisprudentielles qui ont connu une certaine évolution.
1) Sur le formalisme de l'engagement de la caution
L'article 2292 du Code civil dispose que :
« Le cautionnement ne se présume point ; il doit être exprès, et on ne peut pas l'étendre au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté ».
Garantir un tiers débiteur et consentir à se substituer à lui en cas de défaillance est un acte d'une importante gravité, que le législateur a entendu formaliser dans le but de protéger la caution, même lorsqu'elle est rompue à la vie des affaires.
En effet, lorsque le dirigeant, personne physique, donne son cautionnement à une banque, l'acte doit porter à peine de nullité des mentions manuscrites précises :
La caution doit écrire de sa propre main à peine de nullité un certain nombre de mentions dont le contenu est précisé aux articles L.341-2 et L.341-3 du Code de la consommation issus de la loi du 1er août 2003, savoir :
- l'indication précise du montant global couvert par la caution,
- la durée de l'engagement.
L'article L.341-2 du Code de la consommation est ainsi libellé :
« Toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante ,et uniquement de celle-ci : "En me portant caution de X..., dans la limite de la somme de... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de..., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X... n'y satisfait pas lui-même" »
L'article L.341-3 du même Code, s'agissant du cautionnement solidaire est ainsi libellé :
« Lorsque le créancier professionnel demande un cautionnement solidaire, la personne physique qui se porte caution doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante : "En renonçant au bénéfice de discussion défini à l'article 2298 du code civil et en m'obligeant solidairement avec X..., je m'engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu'il poursuive préalablement X..." ».
L'engagement de caution solidaire ainsi défini est d'une grande utilité pour le créancier garanti, en général la banque prêteuse.
En effet, celle-ci n'aura pas à fractionner ses recours mais pourra poursuivre à son choix, soit l'entreprise débitrice principale (ce qui lui sera impossible en cas de procédure collective de celle-ci), soit la caution solidaire.
Le lecteur aura compris, dans ce cas, tout l'intérêt de l'engagement de caution solidaire pour le créancier qui pourra poursuivre la caution en contournant « la faillite » de la débitrice principale.
2) La mise en œuvre de l'engagement de la caution en cas de procédure collective de la débitrice cautionnée
L'article L.622-28 du Code de commerce dispose que :
« Le jugement d'ouverture arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels, ainsi que de tous intérêts de retard et majorations, à moins qu'il ne s'agisse des intérêts résultant de contrats de prêt conclus pour une durée égale ou supérieure à un an, ou de contrats assortis d'un paiement différé d'un an ou plus. Les personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie, peuvent se prévaloir des dispositions du présent alinéa. Nonobstant les dispositions de l'article 1154 du Code civil, les intérêts échus de ces créances ne peuvent produire des intérêts ».
Mais surtout selon ce texte :
« Le jugement d'ouverture suspend jusqu'au jugement arrêtant le plan ou prononçant la liquidation toute action contre les personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie. Le Tribunal peut ensuite leur accorder des délais ou un différé de paiement dans la limite de deux ans.
Les créanciers bénéficiaires de ces garanties peuvent prendre des mesures conservatoires ».
En vertu de ce texte, le créancier garanti impayé peut-il poursuivre la caution même solidaire ?
Le peut-il encore s'il a omis de déclarer sa créance entre les mains des organes de la procédure collective, et que le délai de six mois pour être relevé de la forclusion encourue est expiré ?
Il est liminairement précisé que l'action contre la caution suspendue par le jugement d'ouverture, peut-être reprise sans nouvelle assignation après le jugement arrêtant le plan de sauvegarde ou de redressement ou prononçant la liquidation judicaire (Cass. com., 24 mai 2005, n° 03-21.043 et Cass. com., 27 février 2007, n° 05-20.522).
L'article L.622-26, alinéa 2, du Code de commerce, issu de l'ordonnance du 18 décembre 2008 donne une réponse partielle en ces termes :
« Les créances non déclarées sont inopposables aux personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle... ».
Cependant, cette règle n'est applicable qu'au plan de sauvegarde et non au plan de redressement au visa de l'article L.631-14, dernier alinéa, du Code de commerce selon lequel :
« Les personnes coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie, ne bénéficient pas de l'inopposabilité prévue au deuxième alinéa de l'article L.622-26 et ne peuvent se prévaloir des dispositions prévues au premier alinéa de l'article L.622-28 ».
Cela signifie que la caution d'une Société ayant fait l'objet d'un plan de redressement judicaire pourra être immédiatement poursuivie par le créancier garanti, même s'il n'a pas déclaré sa créance.
En bref :
1) L'ouverture d'une procédure de Redressement Judiciaire suspend de façon temporaire, les poursuites à l'encontre de la caution personne physique, Même si le créancier n'a pas déclaré sa créance, elles pourront être reprises à l'issue de la période d'observation.
2) Dans le cas d'une Liquidation Judiciaire : il faudra distinguer 2 cas :
- Si le tribunal de commerce prononce une LJ immédiate de l'entreprise, alors le créancier pourra directement poursuivre la caution.
- Si le tribunal de commerce transforme le RJ initial en LJ, la suspension des poursuites est maintenue contre la caution pendant la période d'observation, pouvant aller jusqu'à 18 mois.
Sur les évolutions jurisprudentielles relatives aux conséquences de l'absence de déclaration de créance :
Il est liminairement précisé que la caution après avoir payé le créancier, est subrogée dans tous les droits qu'avait le créancier contre le débiteur, en application de l'article 2306 du code civil.
Par arrêt n° 09-71.113 du 12 juillet 2011, la Cour de cassation a jugé que « L'absence de déclaration de créance ne décharge pas la caution de son engagement, mais la perte du bénéfice de subrogation à son profit suppose l'existence d'un préjudice ».
Par arrêts des 19 février et rectificatif n° 11-28.423 du 26 mars 2013, la Cour de cassation a précisé que « la caution est déchargée de son obligation dans la mesure où elle aurait pu tirer avantage effectif du droit d'être admise dans la répartition des dividendes susceptibles de lui être transmis par subrogation ».
Dans une espèce récente, par arrêt du 8 avril 2015, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a cassé un arrêt de la Cour d'appel de PAU du 27 mai 2013.
La Cour d'appel de PAU :
- avait en effet condamné une caution au paiement d'une certaine somme au profit de la banque créancière,
- bien qu'elle ait constaté que la déclaration de créance avait été effectuée hors délai et que la banque n'était pas admise dans la répartition des bénéfices prévus dans le plan de continuation.
A cette fin, la Cour d'appel avait estimé « que la caution n'établissait pas qu'elle aurait pu tirer un avantage effectif d'être admise (par subrogation) dans la répartition et dividende, ni démontrait l'existence d'une perte d'une chance »
Autrement dit, bien que n'ayant pas déclaré sa créance, le créancier pouvait, selon la Cour d'appel, poursuivre la caution, car cette absence de déclaration n'engendrait aucun préjudice à ladite caution qui, subrogée après paiement dans les droits du créancier garanti, aurait pu être réglée sur l'actif net de la procédure collective.
La Cour de cassation ne l'a pas vu ainsi du chef de la charge de la preuve du préjudice de la caution résultant de l'absence de déclaration de créance du créancier garanti. Ainsi, par l'arrêt précité du 8 avril 2015, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a fait grief à la Cour de PAU d'avoir « fait porter la charge de la preuve sur la caution, alors qu'il appartenait au créancier poursuivant de prouver que la perte du droit préférentiel, dont se prévaut la caution subrogée, ne lui a causé aucun préjudice ».
En résumé, en l'état actuel de la jurisprudence :
- les poursuites de la caution par le créancier garanti peuvent être mises en œuvre, à l'issue de la période d'observation, même en l'absence de déclaration de créance dans le cadre d'un redressement judiciaire,
- il appartiendra au créancier poursuivant de démontrer au Tribunal, car il en a la charge de la preuve, que cette absence de déclaration de créance engendrant pour la caution la perte d'un droit préférentiel, n'a causé aucun préjudice à cette dernière.
Autrement dit, il appartiendra au créancier poursuivant de démontrer que « la caution ne pouvant exercer son recours subrogatoire contre la procédure collective, celui-ci, s'il avait été exercé, ne lui aurait pas permis d'être remboursée de son engagement de caution ».