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PROCEDURES COLLECTIVES :
LA DATE DE CESSATION DES PAIEMENTS :
SON IMPORTANCE ET SES EFFETS

 

L'article L.631-1 du Code de commerce définit l'état de cessation des paiements comme :« l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible ».


L'actif disponible

Est constitué de l'ensemble des sommes ou effets de commerce dont une entreprise peut disposer immédiatement ou à court terme.

 

Il s'agit des liquidités de caisse et de banque, des effets de commerce escomptables, par exemple.


Le passif exigible

Constitue l'ensemble des dettes échues au jour de l'appréciation de l'état de cessation des paiements.

 

Il doit s'agit de dettes certaines (non contestées), liquides (dont le montant est connu) et exigibles.

 

Dès lors que le chef d'entreprise constate qu'il est en état de cessation des paiements, c'est-à-dire qu'il est dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, il a l'obligation de se mettre sous la protection du Tribunal, et, à cette fin, de procéder à une déclaration.

 

Plus précisément, l'article L.631-4 du Code de commerce, modifié par l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014, dispose que :

 

« L'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire doit être demandée par le débiteur au plus tard dans les quarante-cinq jours qui suivent la cessation des paiements s'il n'a pas, dans ce délai, demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation ».

 

En effet, en aucun le dirigeant de l'entreprise ne peut continuer ses activités lorsqu'il est en état de cessation des paiements. Dans l'affirmative il aggraverait la trésorerie de l'entreprise et pourrait engager sa responsabilité.

 

Concrètement, il doit effectuer dans ce délai au Tribunal d'immatriculation de son entreprise, une déclaration de cessation des paiements (DCP) ayant pour objet de voir mettre en œuvre une procédure collective.

 

Ainsi, le Tribunal saisi tenant compte de la situation financière de l'entreprise décidera de la placer :

 

- soit en redressement judiciaire, s'il est possible de relancer l'activité et d'envisager un redressement,

- soit en liquidation judiciaire, si la poursuite de l'activité est inenvisageable.


Par son jugement de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, le Tribunal arrêtera la date de cessation des paiements.

 

En application de l'ordonnance du 12 mars 2014, le Tribunal aura préalablement sollicité les observations du débiteur sur ce point.

 

A défaut de détermination de cette date, elle sera réputée intervenue à la date du jugement d'ouverture.

 

Elle peut être reportée une ou plusieurs fois, sans pouvoir être antérieure de plus de 18 mois à la date du jugement d'ouverture de la procédure (article L.631-8 du code de commerce).


Sur les actions en report de la date de cessation des paiements

 

Depuis la loi du 26 juillet 2015, le prononcé du report de la date de cessation des paiements est décidé par le Tribunal sur saisine de l'administrateur, du mandataire judiciaire, du liquidateur ou du ministère public (article L.631-8 alinéa 3 du Code de commerce).

 

Plus encore, en cas de carence du mandataire judiciaire, les créanciers contrôleurs ont la possibilité d'initier une demande en report de la date de cessation des paiements (article L.622-20 du code de commerce).

 

La demande doit être présentée dans le délai d'un an après le jugement d'ouverture de la procédure (article L.631-8 alinéa 4 du Code de commerce).

 

Le Tribunal rendra alors un jugement fixant la date de cessation des paiements, qu'il aura retenue, et qui sera caractérisée par l'impossibilité pour le débiteur de faire face à son passif exigible avec son actif disponible (Cass. com., 26 octobre 1999, n° 97-13.542).

 

Ce jugement sera mentionné au RCS, au Répertoire des métiers le cas échéant, au Bodacc et dans un journal d'annonces légales (article R.631-13 du Code de commerce).

 

Cette décision est exécutoire à titre provisoire et un appel à son encontre ne saurait dès lors en suspendre les effets.


Importance et enjeu de la date de cessation des paiements

 

Dans une procédure collective, cette date n'est pas anodine ; loin de là !

 

Elle entraine deux types d'effets majeurs :

 

- sur le point de départ de la période dite « suspecte »,

- sur la responsabilité éventuelle des dirigeants de l'entreprise en procédure collective


1. La date de cessation des paiements et la période suspecte :

 

La période suspecte est comprise entre la date de cessation des paiements et la date du jugement qui ouvre la procédure collective.

 

Cette période suspecte permet de remettre en cause tout acte effectué par une Société en état de cessation des paiements.

 

Cette période a pour objet d'éviter une organisation d'insolvabilité de l'entreprise débitrice, une dissimulation d'une partie de son patrimoine, ou le favoritisme d'un créancier avantagé au détriment des autres, en violation du principe de légalité desdits créanciers.

 

Ainsi les actes passés en fraude des droits des créanciers pourront être annulés, évitant ainsi que le débiteur n'appauvrisse son patrimoine à leur détriment.

 

Certains actes accomplis pendant cette période suspecte seront annulables de plein droit ; d'autres le seront par seule décision du Tribunal.

 

L'annulation de plein droit :

 

Ces actes sont automatiquement constatés comme nuls par le Tribunal sans que celui-ci n'ait le moindre pouvoir d'appréciation.

 

L'article L.632-1 du code de commerce les décrit en ces termes :

 

« Sont nuls, lorsqu'ils sont intervenus depuis la date de cessation des paiements, les actes suivants :

 

1. Tous les actes à titre gratuit translatifs de propriété mobilière, ou immobilière ;

 

2. Tout acte commutatif dans lequel les obligations du débiteur excèdent notablement celles de l'autre partie ;

 

3. Tout paiement, quel qu'en ait été le mode, pour dettes non échues au jour du paiement ;

 

4. Tout paiement pour dettes échues, fait autrement qu'en espèces, effets de commerce, virements, bordereaux de cession, Dailly facilitant le crédit aux entreprises ou tout autre mode de paiement communément admis dans les relations d'affaires ;

 

5. Tout dépôt et toute consignation de sommes effectués en application de l'article 2075-1 du Code civil, à défaut d'une décision de justice ayant acquis force de chose jugée ;

 

6. Toute hypothèque conventionnelle, toute hypothèque judiciaire ainsi que toute hypothèque légale des époux et tout droit de nantissement ou de gage constitués sur les biens du débiteur pour dettes antérieurement contractées ;

 

7. Toute mesure conservatoire, à moins que l'inscription ou l'acte de saisie ne soit antérieur à la date de cessation des paiements ;

 

8. Toute autorisation et levée d'options définies aux articles L.225-177 et suivants du présent code ;

 

9. Tout transfert de biens ou de droits dans un patrimoine fiduciaire, à moins que ce transfert ne soit intervenu à titre de garantie d'une dette concomitamment contractée ;

 

10. Tout avenant à un contrat de fiducie affectant des droits ou biens déjà transférés dans un patrimoine fiduciaire à la garantie de dettes contractées antérieurement à cet avenant ;

 

11. Lorsque le débiteur est un entrepreneur individuel à responsabilité limitée, toute affectation ou modification dans l'affectation d'un bien, sous réserve du versement des revenus mentionnés à l'article L.526-18, dont il est résulté un appauvrissement du patrimoine visé par la procédure au bénéfice d'un autre patrimoine de cet entrepreneur ;

 

12. La déclaration d'insaisissabilité faite par le débiteur en application de l'article L.526-1 ».

 

L'annulation des actes facultatifs sur demande d'une partie :

Elle est régie par l'article L.632-2 du Code de commerce, libellé en ces termes :

 

« Les paiements pour dettes échues effectués à compter de la date de cessation des paiements et les actes à titre onéreux accomplis à compter de cette date peuvent être annulés si ceux qui ont traité avec le débiteur ont eu connaissance de la cessation des paiements.
Tout avis à tiers détenteur, toute saisie-attribution ou toute opposition peut également être annulé lorsqu'il a été délivré ou pratiqué par un créancier à compter de la date de cessation des paiements et en connaissance de celle-ci »
.

 

Il en résulte que la date de cessation des paiements à de grandes conséquences sur l'établissement de la période suspecte.

 

Les actes effectués entre la date effective de cessation des paiements, constatée par le Tribunal, et le jugement d'ouverture de la procédure collectives, sont considérés comme suspects, d'où le vocable de « période suspecte » et les éventuelles annulations d'actes y afférentes ci-dessus évoquées.

 

Ces annulations d'actes anormaux auront pour mérite de reconstituer tout ou partie de l'actif de l'entreprise.


2. La date de cessation des paiements et la responsabilité des dirigeants


La date de cessation des paiements a également une incidence importante pour apprécier la responsabilité du chef d'entreprise qui a tardé à effectuer une déclaration de cessation des paiements.

 

La loi aménage en effet certaines sanctions en cas de retard déclaratif, car le fait de poursuivre son activité malgré la cessation de paiements, est préjudiciable aux créanciers qui auraient minimisé leur préjudicie si l'entreprise avait effectué les diligences légalement reprises.

 

Ces sanctions pourront avoir pour effet d'écarter de l'entreprise le dirigeant, auteur de ces actes, et parfois même de la vie économique :


La sanction tirée de la faute de gestion :

 

Le défaut de déclaration de cessation des paiements dans le délai requis de 45 jours, qui suivent la cessation des paiements, constitue une faute de gestion.

 

C'est ce qu'admet la jurisprudence (Cass. com., 13 novembre 2007), rappelant que « la déclaration tardive de la cessation des paiements constitue une faute de gestion ayant manifestement contribué à aggraver le passif de la Société, ne permettant pas la poursuite d'une activité déficitaire ».

 

Cette faute de gestion caractérisée permet au Tribunal de faire application des dispositions de l'article L.651-2 du Code de commerce, selon lequel :

 

« Lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le Tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux ayant contribué à la faute de gestion ... ».


- L'obligation aux dettes sociales :

 

L'article L.652-1 du Code de commerce prévoit cette obligation.

 

Cinq cas de faute du dirigeant ouvrent la possibilité de cette action :

 

1. Avoir disposé des biens de la personne morale comme des siens propres ;
2. Sous le couvert de la personne morale masquant ses agissements, avoir fait des actes de commerce dans un intérêt personnel ;
3. Avoir fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l'intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement ;
4. Avoir poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale ;
5. Avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l'actif ou frauduleusement augmenté le passif de la personne morale ».


- La sanction personnelle : l'interdiction de gérer

 

Le dirigeant encourt également une sanction personnelle lorsqu'il omet de déclarer la cessation des paiements : soit une interdiction de gérer.

 

Il s'agit d'une faillite personnelle allégée, réservée par la loi de sauvegarde de 2005 au défaut de déclaration de la cessation des paiements dans le délai légalement requis.

 

L'article L.653-8, alinéa 3 du Code de commerce dispose en effet que :

 

« [l'interdiction de gérer] peut ... être prononcée à l'encontre de toute personne mentionnée à l'article L.653-1 du code de commerce qui a omis sciemment de demander l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, dans le délai de 45 jours à compter de la cessation des paiements, sans avoir, par ailleurs, demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation ».


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En résumé :

L'état de cessation des paiements est une notion d'importance en droit des procédures collectives.

Il est vivement conseillé à tout dirigeant d'entreprise, lorsque l'état de cessation des paiements est avéré, d'effectuer sans délai au greffe du Tribunal de commerce ou civil compétent, une déclaration de cessation des paiements.

 

Dans la négative, l'absence d'une telle déclaration pourrait avoir pour lui de graves conséquences, tant patrimoniales, financières qu'économiques.