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L’INTERDEPENDANCE DES CONTRATS DE FINANCEMENT

DE MATERIELS AU PROFIT DES ENTREPRISES


Les entreprises ont souvent recours à des sociétés de financement leur permettant de s’équiper de matériel informatique, de bureautique etc…

 

Le financement en général réalisé par une opération de location financière est courant.

 

Deux types de contrats peuvent être proposés à l’entreprise :

 

- le contrat de crédit-bail

- le contrat de location

 

Ces deux contrats sont différents par leur nature et connaissent ainsi des régimes juridiques très divers :

 

- Le contrat de crédit-bail est un contrat à l’issue duquel le crédit preneur dispose d’une option d’achat du matériel loué, telle que définie au moment de la conclusion du contrat.

 

Plus encore, le contrat de crédit-bail est réglementé et défini par les dispositions de l’article L 313-7 du Code Monétaire et Financier en ces termes :

 

« Les opérations de crédit-bail … sont :… les opérations de location de biens d’équipement ou de matériel d’outillage achetés en vue de cette location par des entreprises qui en deviennent propriétaires, lorsque ces opérations, quelle que soit leur qualification, donnent au locataire la possibilité d’acquérir tout ou partie des biens loués, moyennant un prix convenu, tenant compte, au moins pour partie, des versements effectués à titre de loyers. »

Selon l’article L 313-1 du même Code :

 

« Sont assimilés à des opérations de crédit, le crédit-bail et, de manière générale, toute opération de location assortie d’une option d’achat. »

 

La conséquence première de cette réglementation est que le contrat de crédit-bail ne peut être proposé « à titre habituel » que par un établissement de crédit, ce qui n’est pas le cas du contrat de location de matériel qui lui peut être proposé par toute société commerciale.

 

- Le contrat de location financière diffère donc du contrat crédit-bail en ce qu’aux termes du contrat de location, le locataire doit restituer les matériels au loueur.

 

*****************

 

La location financière est aussi utilisée massivement dans le monde des affaires.

 

Une société de financement met en location un bien mobilier qu’elle a préalablement acheté, auprès d’un fournisseur, à la demande du futur locataire.

 

Deux contrats sont en jeu :

 

- un contrat de location du bien entre la société de financement, bailleresse et le client locataire.

 

- un contrat de vente du bien destiné à la location conclu entre la société de financement et le fournisseur.

 

Précision : Il peut être conclu soit directement par la société de financement, soit par la société fournisseur puis cédé à la société de financement.

 

Comme indiqué ci-dessus, aucune option d’achat du bien loué n’est ouverte au locataire en fin de contrat, contrairement au contrat de crédit-bail.

 

Dans la pratique, il est fréquent qu’à ces deux premiers contrats :

 

- de vente du bien financé

- de location financière de celui-ci,

 

s’ajoute une prestation de service en lien avec le contrat de location : (par ex. hébergement du site Internet, télésurveillance des locaux, maintenance du télécopieur et de la photocopieuse ou du matériel informatique loué).

 

Cette prestation de services donnera lieu à un troisième contrat conclu par le locataire, soit avec un tiers prestataire soit avec le vendeur initial.

 

La problématique de ces trois contrats :

 

1) Les conséquences de la défaillance du prestataire sur le contrat de financement et son exigibilité des loyers

 

Il peut arriver que le système ou le matériel vendu (par ex : matériel, logiciel voire site Internet) ne fonctionne pas ou à tout le moins fonctionne mal.

 

Tout un contentieux est alors né sur la question de savoir si l’anéantissement du contrat de prestations de services avait une incidence sur la poursuite du contrat de prestations de location financière, et inversement.

 

Le matériel loué ou la prestation n’étant pas conforme au détriment du locataire, celui-ci peut obtenir la résolution de l’un des deux contrats pour inexécution contractuelle.

 

La question se pose alors de savoir si la résolution du contrat de prestation engendre celle du contrat de location financière.

 

Et vice versa, en cas de non-paiement des loyers si la résiliation du contrat de location a une incidence sur le contrat de prestations.

 

Il est rappelé que l’organisme de crédit ou la société de location acquièrent le matériel pour le compte de leur client locataire, ils en paient l’intégralité du prix au fournisseur.

 

Dans ces conditions, ils entendent être réglés par le client aux échéances contractuelles, en général tous les mois pendant 36 ou 48 mois, des loyers qui sont dus en contrepartie de la location du matériel quel qu’en soit l’usage effectif ou non par le locataire.

 

La société de financement prend, en général, le soin de stipuler dans le contrat de financement une clause par laquelle « Les parties conviennent de ce que le contrat de financement est indépendant du contrat de service.

 

Autrement dit, même lorsque le matériel n’est pas livré, ou connait un éventuel dysfonctionnement ou que son entretien est défectueux, le locataire devra payer l’organisme de financement jusqu’au terme du contrat de location financière, sans pouvoir opposer au financier les difficultés rencontrées avec le fournisseur et/ou le prestataire de service quant au matériel loué.

 

Le seul recours du locataire serait de demander la condamnation judiciaire du prestataire à la prise en charge des loyers sur le fondement de sa responsabilité civile contractuelle, le matériel loué n’étant plus normalement utilisable.

 

Cette question de l’interdépendance des deux contrats de location et de prestation était régulièrement soumise à l’appréciation des tribunaux dans le cadre de litiges opposant le locataire, le prestataire et financier.

 

La Cour de Cassation tranchait la question en demandant au Juge du fond de rechercher si les deux ou trois contrats étaient interdépendants ou, au contraire, indépendants.

 

Jusqu’alors, faute de convention expresse entre les parties sur cette question de l’indivisibilité des contrats :

 

- De vente,

- De location,

- De prestations de service,

-

les Juges recherchaient les critères objectifs pour qualifier cette indépendance des conventions ou la rejeter :

 

- Savoir si les contrats avaient été conclus à la même date

 

- L'indivisibilité était retenue en raison de la nature de l'objet loué : (par ex : si la maintenance du matériel ne pouvait être effectuée que par le prestataire initial pour des conditions contractuelles équivalentes)

 

Dans l'affirmative de l'indivisibilité des contrats et donc de leur interdépendance retenue par les Juges, les résiliations en cascade s'opéraient par :

 

- La résiliation du contrat de service

- La résiliation du contrat de location

 

Il s’en suivait la résiliation concomitante du contrat de vente initial.

 

De la même manière, en cas de résolution du contrat de vente initial, le fournisseur récupérait le matériel dans les mains du bailleur.

 

Ce dernier ne pouvait plus le louer au locataire. Le contrat de location était alors également anéanti.

 

Le contrat de prestations, accessoire des contrats de vente et de location, n’avait plus de raison d’être et était également anéanti.

 

Il semblait alors nécessaire d’assurer au co-contractant une certaine sécurité juridique lors de la signature de ces contrats, sans être tenu ultérieurement d’une éventuelle appréciation souveraine des Juges du fond saisis, quant au caractère indépendant ou non desdits contrats avec toutes les conséquences juridiques et financières s’en suivant.

 

La Chambre Mixte de la Cour de Cassation par deux arrêts récents du 17 mai 2013 a mis un terme à ces hésitations en précisant, de manière non équivoque, les conditions dans lesquelles les contrats s’inscrivant dans une opération de location financière, étaient interdépendants : Cass. Ch. Mixte, 17.05.2013, n°11-22.927 et n°11-22.768).

 

La Chambre Mixte vient, en effet, de poser le principe selon lequel :

 

« Les contrats concomitants ou successifs qui s’inscrivent dans une opération incluant une location financière, sont interdépendants ; sont réputées non écrites les clauses des contrats inconciliables avec cette interindépendance. »

 

En conséquence, lorsque le contrat de service est résilié aux torts du prestataire, le contrat adossé de financement du matériel qui faisait l'objet de la prestation devra également être résilié, toute clause contraire dans le contrat de financement étant dorénavant réputé non écrite.

 

2) Sur les conséquences de la résiliation du contrat de bail avant son terme

 

Les contrats de financement contiennent, en général, une clause aux termes de laquelle :

 

« En cas de résiliation du contrat, avant son terme, quel que soit la cause de cette résiliation, le locataire sera tenu de verser l’intégralité des loyers restant dus. »

 

Une partie de la jurisprudence qualifie parfois cette clause « de clause pénale » lorsqu’elle est stipulée comme un moyen de contraindre le locataire à l’exécution de ses obligations.

 

Une clause pénale est une clause par laquelle les parties à un contrat conviennent qu’en cas d’inexécution de ses obligations par l’une d’elle, celle-ci sera tenue de régler à l’autre une somme forfaitaire en indemnisation du préjudice subi par cette dernière.

 

Cependant, l’article 1152 du Code Civil prévoit que le Juge peut modifier cette clause lorsque la pénalité prévue apparaît manifestement excessive ou dérisoire.

 

Ce faisant, la Cour de Cassation en sa Chambre Commerciale par un arrêt du 30 novembre 2010 a décidé que :

 

« La majoration des charges financières pesant sur les débiteurs, résultant de l’anticipation de l’exigibilité des loyers dès la date de résiliation a été stipulée à la fois comme un moyen de contraindre l’exécution et l’évaluation conventionnelle du préjudice subi par le crédit bailleur du fait de l’accroissement de ses frais et risques à cause de l’interruption des paiements prévus, et qu’elle constitue ainsi une clause pénale susceptible de modération en cas d’excès. »

 

La Cour en a conclu que l’indemnité de résiliation prévue dans des contrats de crédit-bail devait être révisée par la Cour d’Appel sur le fondement de l’article 1152 du Code Civil.

 

Selon la jurisprudence, la disproportion de la clause pénale s’apprécie en comparant le montant de la peine conventionnellement fixé et celui du préjudice effectivement subi.

 

Ainsi, dans un arrêt de la Cour d’Appel de PARIS du 28 avril 2011, une société avait loué pour une durée de 48 mois un appareil photo numérique.

 

Lors du prononcé de l’arrêt, il restait 10 mensualités à payer et le bailleur était en mesure de vendre ou de louer le bien restitué.

 

La Cour d’Appel a ramené l’indemnité à 20 % des loyers restant à échoir.

 

Dans un autre arrêt du 6 décembre 2011, la Cour d’Appel de Paris a décidé de réduire de 13.314,06 € à 5.000 € l’indemnité de résiliation d’une location de matériel informatique loué pour 60 mensualités mais résilié et restitué 18 mois après la conclusion du contrat.

 

En résumé, en cette matière de location financière et de contrat de crédit-bail, la liberté contractuelle qui résulte du principe du consensualisme trouve ses limites dans l’accroissement du pouvoir du Juge qui pourra :

 

- Réputer non écrites les clauses contraires à l’interdépendance des divers contrats inclus dans une opération de financement

 

- Qualifier de clause pénale une indemnité de résiliation anticipée stipulée en amont, la réduisant en aval à sa plus simple expression