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La loi Sapin et la transparence des prix d'achats d'espace publicitaire

Introduction

La loi SAPIN n°93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, entrée en vigueur le 31 mars de la même année marque une véritable rupture avec les anciennes pratiques, dans le monde de la publicité avec ses 27 articles.

 

En effet, cette loi a voulu d'une part assurer une plus grande transparence dans les transactions portant sur l'achat d'espaces publicitaires, d'autre part clarifier le rôle des intermédiaires, et enfin assurer une meilleure information de l'annonceur. Au regard des objectifs de transparence et de lutte contre la corruption, envisagés par cette vaste réforme, il convient de s'interroger, après plus de 10 années d'application, sur la réalisation des objectifs fixés, et quels sont les problèmes qui subsistent malgré l'objectif de fermeté voulu par le législateur.

 

I. L'état des lieux avant la loi Sapin du 29 Janvier 1993

Avant la loi sapin, les relations entre annonceurs, supports et intermédiaires tels que les centrales d'achats, les agences de publicité ou encore les cabinets de conseil, n'étaient pas clairement définis. Ce flou juridique a donné lieu à un certain nombre d'abus notamment financiers au détriment des annonceurs. En effet entre l'annonceur et le support s'entremettaient des opérateurs dont la mission consistait soit en l'achat d'espaces, soit dans le conseil ou la création. Cette complexité s'est accrue avec le développement des régies publicitaires et des centrales d'achat d'espaces Publicitaires.

 

L'intermédiaire était donc chargé de négocier le prix de l'espace publicitaire auprès du support (entreprises de presse, chaîne de télévision, station de radio...)

 

Cependant la plupart du temps de nombreuses centrales d'achats se regroupaient et apparaissaient comme des grossistes, de sorte qu'elles obtenaient de la part des supports des conditions avantageuses sous forme de ristournes qu'elles ne répercutaient pas forcément sur le prix de facturation final. Cette pratique aboutissait à des facturations excessives et parfois fictives ne reflétant pas le prix réel de la prestation accomplie.

 

Afin de contrer cet état de fait, dans un premier temps, une enquête du Conseil de la concurrence de 1992 avait révélé des ententes entre les centrales d'achat et les supports. Ce qui aboutissait à une double facturation de la part de l'intermédiaire. D'une part à l'annonceur et d'autre part au support.

 

D'où l'initiative de Michel Sapin de clarifier les relations entre annonceurs, supports et intermédiaires par le biais de cette vaste réforme législative qu'est la loi qui porte son nom.

 

Le Conseil constitutionnel a validé cette loi en considérant que les dispositions de loi SAPIN

 

« en dépit des contraintes qu'elles comportent ne restreignent pas la liberté d'entreprendre des agences économiques concernées »

II. La loi Sapin et l'objectif de transparence des tarifs de l'agence publicitaire

La loi sapin a voulu rompre avec ces pratiques douteuses en mettant un certain nombre de mesures définissant clairement les intérêts, les responsabilités, et les rémunérations de chacun (annonceurs-intermédiaires-supports). Elle instaure également une certaine transparence dans le système de rémunération des intervenants caractérisée jusqu'ici par une opacité tarifaire.

 

Cette loi se voulant d'application effective, a intégré en son article 25 un certain nombre de dispositions pénales, notamment elle punit d'une amende de 30 000 euros le fait pour un intermédiaire de ne pas travailler dans le cadre d'un contrat de mandat ou encore de se faire rémunérer par le support. En d'autres termes en cas de non respect des dispositions énoncées aux articles 20 à 24 les intermédiaires sont passibles d'une amende très importante, allant de 30 000 euros pour les personnes physiques à 150 000 euros pour les personnes morales.

 

1. L'obligation d'un contrat de mandat entre annonceurs et intermédiaires et les difficultés d'une application pratique

L'article 20 de la loi pose un impératif d'exigence d'un contrat de mandat écrit dans toute relation entre annonceur et intermédiaire pour l'achat d'espace publicitaire: « tout achat d'espace publicitaire ou de prestation ayant pour objet l'édition ou la distribution d'imprimés publicitaires ne peut être réalisé par un intermédiaire que dans le cadre d'un contrat de mandat»

Cette exigence est confirmée dans la circulaire d'application du 19 septembre 1994 et dans une des premières décisions en date du 6 octobre 1995 qui pose en principe que le recours à un contrat de mandat est un impératif dans les relations entre annonceur et intermédiaire. En d'autres termes sans mandat de l'annonceur à l'intermédiaire, ce dernier ne pourra jamais agir pour le compte du premier pour tout ce qui concerne l'achat d'espace publicitaire. Par le biais du mandat, un lien contractuel direct existe désormais entre l'annonceur et le support, régi par les règles du mandat édictées aux articles 1984 et suivants du code civil. En contrepartie, toujours dans cette optique de transparence financière, aucun contrat ne lie l'agence de publicité et le support.

 

Ce mandat n'est exigé que dans le cadre d'une relation à trois c'est-à-dire l'agence de publicité, l'annonceur et le support. Ce dispositif est évidemment sans objet si l'annonceur achète directement au support.

 

Le recours au mécanisme du mandat a pour objet d'assurer une plus grande transparence tarifaire et une meilleure information du mandant qu'est l'annonceur. Dans cette optique la loi oblige l'intermédiaire à porter à la connaissance de son client, l'annonceur, toutes les informations précontractuelles sur les prix, les conditions de la prestation de service et les liens financiers unissant l'intermédiaire au vendeur d'espace publicitaire, qui seraient en sa possession. L'annonceur étant désormais le pilier dans la relation entre support et intermédiaire, c'est désormais par lui que passe toutes les informations concernant l'achat d'espace publicitaire et notamment la facture qui lui est désormais directement adressée.

 

2. Une conséquence non négligeable: la facturation directe du support à l'annonceur

L'alinéa 3 in fine de l'article 20 de la loi est une rupture véritable par rapport aux pratiques habituelles. Cette disposition pose en principe que « tout rabais ou avantage tarifaire de quelque nature que ce soit accordé par le vendeur doit figurer sur la facture délivrée à l'annonceur et ne peut être conservée en tout ou partie par l'intermédiaire qu'en vertu d'une stipulation expresse du contrat de mandat. »

 

Il est également précisé que «même si les achats mentionnées au premier alinéa ne sont pas payés directement par l'annonceur au vendeur, la facture est communiquée directement par ce dernier à l'annonceur. »

 

Avec cette disposition nous pouvons dire que la transparence dans les tarifs publicitaires est atteinte dans la mesure où plus aucune facturation occulte n'est à signaler. Les tarifs avec les remises et ristournes figurent sur les factures envoyées directement à l'annonceur. De plus l'intermédiaire n'a qu'une rémunération provenant de l'annonceur. Il ne peut en aucun cas recevoir de rémunération de la part du support dans la mesure ou aucun lien financier ou même contractuel n'existe entre les deux. Sauf à ce que l'intermédiaire agisse pour son propre compte mais jamais dans le cadre d'un contrat de mandat. Si l'agence venait à enfreindre cette disposition de la loi, elle serait passible d'une amende de 30 000 euros qui sera portée à 150 000 euros s'il s'agit d'une personne morale.

 

Cette disposition a certes le mérite de lever toutes ambiguïtés dans les relations financières entre annonceur, support, et intermédiaire. Cependant elle n'est pas sans effet pervers comme nous le verrons par la suite.

 

3. Le risque de double facturation encourue par l'annonceur

Même si l'objectif de transparence dans les tarifs publicitaires a été atteint avec les dispositions des articles 20 et 21 de la loi SAPIN du 29 janvier 1993, il n'en demeure pas moins que, comme toutes dispositions législatives, un certains nombres d'effets pervers sont à signaler, notamment le risque de double facturation à l'annonceur subsiste ou encore la lourdeur qui s'est installé dans les relations entre annonceurs, supports, et intermédiaires. Le recours au mandat censé protéger les intérêts financiers de l'annonceur peut se retourner contre ce dernier à raison du mandat conféré à l'intermédiaire même si l'annonceur a toujours le choix entre payer directement le support ou fait transiter le paiement par le mandataire.

 

Par exemple, alors que la facture est envoyée directement par le support à l'annonceur en vertu de l'article 21 de la loi, ce dernier peut donner mandat à l'agence de publicité de payer le support.

 

Ce système est très dangereux pour l'annonceur en cas de faillite de l'agence de publicité. En effet l'annonceur lié contractuellement au support, qui aurait fait transiter le paiement des prestations publicitaires sur un compte tiers de l'agence, s'expose à devoir payer une seconde fois dès lors que l'agence n'aurait pas répercuté, avant le dépôt de bilan, les sommes versées sur le compte du support. Cet effet pervers est la conséquence de la fin de tous liens contractuels entre le support et l'agence de publicité. De sorte qu'un risque de double facturation pèse sur l'annonceur.

 

La jurisprudence est constante à ce sujet: " le paiement des factures relatives à l'achat d'espace publicitaire incombe en principe à l'annonceur lorsque l'agence est mandataire. Ou encore en cas de faillite de l'agence l'application des principes gouvernant le mandat permettent au support d'exercer une action directe en paiement contre l'annonceur " TC PARIS 21 octobre 1992.

En effet en vertu de l'article 1198 du Code civil " le mandant (annonceur) reste tenu vis-à-vis de ses cocontractants des dettes contractées en son nom par le mandataire infidèle (l'agence de publicité) ".

 

En d'autres termes " l'annonceur doit toujours régler le support nonobstant les versements effectués entre les mains de l'agence. Cour d'Appel de VERSAILLES 7 octobre 1999 LSA C/ RIVAIN ".

La jurisprudence a ainsi condamné « un annonceur à régler à son vendeur d'espaces publicitaires, le montant du coût des insertions non réglées par l'agence de publicité mise en liquidation judiciaire ».( Cass 1ère Civ 11/02/97-n°95-12.926 : Bull Civ I n° 52 et CA PARIS 14ème chambre B 8/10/04 n° 04/06452 : Société Autentic/Les Publications Conde Nast, et Société Guy Ellia).

 

Notre cabinet d'avocats occupait alors pour la Société Publications Condé Nast, auquel elle avait confié le recouvrement de sa créance.

 

Bien que seul l'annonceur soit tenu à l'égard du vendeur d'espaces publicitaires, rien n'empêche ce dernier en vertu de l'article 21 de la loi d'envoyer un duplicata de la facture à l'intermédiaire. Mais cet envoi n'a aucune conséquence sur l'inexistence de relations contractuelles entre l'intermédiaire et le support. Chacun étant lié par un contrat distinct à l'annonceur. En d'autres termes ce qui rapproche ces deux professionnels c'est la prestation de service rendue à l'annonceur.

 

L'annonceur n'est pas le seul à prendre des risques avec la loi Sapin, dans la mesure où pèse sur le support le risque d'un annonceur insolvable, seul redevable à son égard. En effet la loi tend surtout à prévenir les conflits d'intérêts auxquels l'intermédiaire risquait autrefois d'être exposé en raison de liens privilégiés qui l'unissaient aux supports et qui ont été rompu par la loi.

 

Conclusion

Une sorte de bilan a été dressé par la doctrine en 2003 à l'occasion des dix ans de la loi Sapin

 

Il en a été déduit que cette loi avait été adoptée pour assainir le marché sur lequel avaient été constatés certains abus inacceptables au détriment des annonceurs .Cette loi jugée salutaire par les uns, scélérate par les autres, aura donné lieu à des débats passionnés et fait coulé beaucoup d'encre au lendemain de son adoption.

 

Dix ans après, les annonceurs se félicitent de son arrivée: grâce à elle les flux financiers ont été clarifiés.

 

Les médias ne semblent pas non plus mécontents de ses effets. Elle leur a permis de proposer des prix plus intéressants aux annonceurs, tout en augmentant leurs marges bénéficiaires.

 

Du côté des agences il semblerait que l'enthousiasme à l'égard de la loi Sapin soit beaucoup plus modéré. Néanmoins, il a été constaté que n'ayant plus aucun intérêt à préconiser tel ou tel média, elles ont dû améliorer leur professionnalisme pour justifier leurs honoraires de conseil en proposant une réelle valeur ajoutée. Par ailleurs, pour enrayer leurs pertes de revenus, les agences ont accéléré leur internationalisation. Selon certains, la loi n'aurait cependant pas été que bénéfique pour le marché. L'alourdissement des relations commerciales a pu être à l'origine de la disparition de petites agences indépendantes et de la consolidation des plus grands groupes.

 

Enfin, il semblerait que quelques pratiques occultes soient réapparues aux avantages des plus grandes centrales : tarif de bouclage à - 20 % six mois avant la diffusion, pratiques discriminatoires et tarifs préférentiels accordés selon la part de marché.

 

En tout état de cause, le marché de l'achat d'espace a gagné, avec la loi Sapin, la confiance des annonceurs;

 

Les principes qu'elle a édictés, complétés par la circulaire du 19 septembre 1994 et la jurisprudence ont permis des relations plus saines entre les différents acteurs du marché.prestations de services fourni par le factor à l'adhérent, en contrepartie d'une rémunération.