Afin de préserver ses droits, un créancier qui a les plus grands doutes sur la solvabilité de son débiteur, a la faculté de faire pratiquer sur son patrimoine une saisie conservatoire.
Celle-ci est organisée par les articles 67 et suivants de la loi du 9 juillet 1991 régissant les procédures d'exécution.
Deux conditions de fond doivent être réunies pour qu'une telle mesure soit autorisée et pratiquée :
1. L'existence d'une créance
2. Cette créance doit être menacée en son recouvrement
1°) L'article 67 de la loi du 9 juillet 1991 dispose en effet que :
"Toute personne dont la créance parait fondée en son principe, peut solliciter du juge, l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable ..."
La formule d'une grande souplesse permet au créancier de mettre en oeuvre cette mesure conservatoire, alors même que sa créance n'est ni certaine, ni liquide, ni exigible.
Cela signifie que cette mesure peut être pratiquée sans jugement de condamnation, même si la créance semble contestée par le débiteur.
Il peut s'agir d'une créance qui ne sera pas précisément chiffrée ou d'une créance à terme.
2°) La créance doit être menacée en son recouvrement
Cette menace tient, en général, au risque d'insolvabilité imminente du débiteur par un éventuel "dépôt de bilan".
Il appartient ainsi au créancier poursuivant de démontrer au juge qui autorisera la mesure, cette insolvabilité imminente, par exemple, par la production des comptes de l'enteprise débitrice publiés au RCS, ou de justifier de l'absence de publication desdits comptes pourtant obligatoire.
En toute hypothèse, cette mesure ne peut être pratiquée qu'à la suite d'une autorisation judiciaire.
L'article 68 de la loi dispose que :
"Une autorisation préalable du juge n'est pas nécessaire lorsque le créancier se prévaut d'un titre exécutoire ou d'une décision de justice qui n'a pas encore force exécutoire. Il en est de même en cas de défaut de paiement, d'une lettre de change acceptée, d'un billet à ordre, d'un chèque ou d'un loyer resté impayé dès lors qu'il résulte d'un contrat écrit de louage d'immeuble."
En résumé, sauf dans les cas susmentionnés, une autorisation du juge sera nécessaire.
De manière générale, la saisie conservatoire présente un intérêt pour le créancier qui ne dispose pas encore de titre contre son débiteur et entend sauvegarder ses droits durant l'instance en recouvrement qu'il va mettre en oeuvre devant le Tribunal compétent.
Deux types de compétence doivent être distingués :
1°) La compétence d'attribution :
- la compétence de principe du juge de l'exécution
L'article 69 de la loi du 9 juillet 1991 donne la réponse en ce que le juge de l'exécution a une compétence pour autoriser les mesures conservatoires.
- la dérogation : la compétence du juge commercial
L'alinéa 1er de l'article 69 précise que :
"...Toutefois, elle (la mesure conservatoire) peut être accordée par le Président du Tribunal de Commerce lorsque, demandée avant tout procès, elle tente à la conservation d'une créance relevant de la compétence de la juridiction commerciale."
Le législateur a souhaité permettre au juge consulaire la possibilité d'autoriser des mesures conservatoires lorsque le litige oppose deux commerçants.
En effet, il est le mieux placé pour apprécier la situation financière des débiteurs commerçants et pour mettre éventuellement en oeuvre une procédure collective.
Cependant, à l'inverse des pouvoirs du juge de l'exécution, il faut que son autorisation soit demandée avant tout procès. Cela signifie qu'aucune instance en cours que ce soit au fond ou en référé ne doit avoir été préalablement intentée par le créancier requérant.
Dans l'affirmative, seul le juge de l'exécution serait compétent au cas où une instance aurait été entamée préalablement.
2°) Sur la compétence territoriale :
L'article 211 du Décret d'application du 31 juillet 1992 donne la solution en ces termes :
"Le juge compétent pour autoriser une mesure conservatoire est le juge de l'exécution du lieu où demeure le débiteur".
"Toutefois, si la mesure tend à la conservation d'une créance relevant de la compétence d'une juridiction commerciale, elle peut être autorisée avant tout procès, par le Président du Tribunal de Commerce de ce lieu."
En résumé, la juridiction compétente, que ce soit le Juge de l'Exécution ou le Président du Tribunal de Commerce, est celle du lieu où demeure le débiteur.
1°) La saisie conservatoire des biens meubles corporels :
Les créanciers peuvent pratique une saisie conservatoire sur les meubles corporels de son débiteur : meubles meublants, marchandises, animaux, véhicules, etc.
Les immeubles sont exclus, ces derniers pouvant faire l'objet d'une hypothèque judiciaire conservatoire.
Les biens mobiliers corporels sont alors indisponibles, se trouvant placés sous main de justice. Ils ne peuvent ainsi être vendus, ni déplacés durant l'instance judiciaire permettant au créancier d'obtenir un jugement de condamnation.
2°) La saisie la plus couramment pratiquée : la saisie conservatoire de créances
Elle est prévue par l'article 74 de la loi du 9 juillet 1991.
Elle permet au créancier de saisir et conserver une éventuelle créance de son débiteur entre les mains d'un tiers saisi.
Il s'agira souvent d'une saisie conservatoire sur compte bancaire entre les mains de la banque du saisi.
Les fonds appréhendés, si le compte est créditeur, seront ainsi bloqués jusqu'à l'issue de la procédure au fond permettant au créancier d'obtenir un jugement.
3°) La saisie conservatoire des droits d'associés ou valeurs mobilières
Le créancier peut également, au visa de l'article 74 de la loi du 9 juillet 1991, saisir les droits d'associés que détient sa débitrice dans une société.
Selon la jurisprudence (Cass. 2ème Civ. 21.06.2007), " La saisie porte non seulement sur les droits d'associés mais également sur les bénéfices distribuables qui y sont attachés."
Le créancier autorisé à pratiquer la saisie conservatoire, en application de l'article 214 du Décret du 31 juillet 1992, a l'obligation d'exécuter la mesure conservatoire qu'il a obtenue du juge dans un délai de trois mois à compter de l'ordonnance de celui-ci.
Dans la négative, la mesure serait caduque.
En général, l'avocat diligent qui a obtenu l'ordonnance aux fins de saisie conservatoire prendra le soin, dès obtentions de celle-ci, de la remettre à son huissier instrumentaire pour qu'elle soit mise en oeuvre.
Immédiatement après ou parallèlement, il fera délivrer assignation au fond au débiteur afin d'obtenir dans les meilleurs délais, un titre permettant de convertir la mesure conservatoire en saisie attribution des biens meubles et créances saisies à son profit.
Devant le Tribunal de Commerce, l'attention de celui-ci est particulièrement appelée sur le fait qu'il doit préalablement, avant tout procès, présenter au juge sa requête aux fins de saisie conservatoire et attendre l'obtention de celle-ci, avant que de délivrer assignation.
Dans la négative, le débiteur particulièrement retors pourrait former un recours contre cette ordonnance et obtenir du juge consulaire qu'il réduise à néant son ordonnance.
1°) La voie de l'appel
L'article L 311-12-1 alinéa 5 du Code de l'Organisation Judiciaire modifié par l'article 8 de la loi du 9 juillet 1991 dispose in fine que :
"Les décisions du juge de l'exécution... sont susceptibles d'appel devant la formation de la Cour d'Appel qui statue à bref délai..."
L'appel n'est pas suspensif.
Toutefois, le 1er Président de la Cour d'Appel peut ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de la mesure.
En résumé, l'appel est donc possible contre une ordonnance autorisant une mesure conservatoire.
Elle est revêtue de l'exécution provisoire sauf au Premier Président de la Cour d'Appel d'en ordonner le sursis à exécution durant l'instance d'appel.
Dans la pratique, la voie de l'appel est très peu utilisée.
Le débiteur a, en effet, une deuxième possibilité qu'est la voie de la rétraction qu'il utilisera davantage.
2°) La voie de rétraction
Cette voie est offerte par les dispositions de l'article 497 du CPC selon lesquelles "Le juge a la faculté de modifier ou de rétracter son ordonnance, même si le juge du fond est saisi de l'affaire."
En effet, d'une part, le juge peut parfaitement prendre en compte un fait nouveau survenu depuis son ordonnance initiale car il doit se placer au jour de sa décision.
D'autre part, le juge peut être "prisonnier" de la requête qui lui a été présentée de telle sorte que son pouvoir se limite à l'examen des seules créances qui lui avaient été présentées, sans pouvoir a posteriori faire état de nouvelles créances pour refuser la rétraction.
Imaginons un débiteur saisi qui justifierait ultérieurement au juge, qu'il est lui même créancier du créancier saisissant, de sorte qu'après compensation entre les créances et dettes réciproques des parties, la prétendue créance initiale ne serait plus du tout fondée en son principe.
Alors le juge n'aura d'autre solution que de rétracter son ordonnance aux fins de saisie conservatoire en la réduisant à néant.
Particularité devant la Juridiction Commerciale
Si le requérant a sciemment omis d'indiquer au juge dans sa requête qu'il avait préalablement assigné au fond son débiteur, le juge consulaire qui découvre a posteriori l'existence de cette instance, à l'occasion de la demande en rétraction qui lui est présentée, n'aura alors d'autre solution que d'y faire droit.
Le juge consulaire n'a, en effet, qu'une compétence subsidiaire par rapport au Juge de l'Exécution d'ordonner avant tout procès une mesure conservatoire au visa de l'article 69 de la loi du 9 juillet 1991 précitée.
Sur la procédure en rétraction
Seule la procédure de référé sera ouverte au détieur qui entend obtenir la rétraction de l'ordonnance qui lui fait grief, et ce, au visa de l'article 485 du Code de Procédure Civile modifiée par le Décret du 20 janvier 2012.
Il est donc conseiller, en matière de recouvrement de créance commerciale, de présenter avant tout procès une requête au juge commercial afin de saisie conservatoire.
Restera un subsidiaire, au cas où une instance est en cours, tenant à la possibilité pour le créancier de présenter sa requête au Juge de l'Exécution qui a une compétence de principe.